Chapitre 14

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« Qui additionne de nombreux atouts sera victorieux, qui en a peu sera vaincu. » Sun Tzu.

Toute ma vie je me suis fixée des objectifs. Je trouvais ça stimulant de devoir atteindre un but pour ensuite franchir un nouveau cap. Et ça a toujours fonctionné ; du moins jusqu'à aujourd'hui. Je ne suis plus la jeune fille qui se fixait des objectifs à court terme et voyait cela comme un jeu. Aujourd'hui je m'apprête à faire un grand pas dans ma quête de justice ; je ne vais pas juste me faire passer pour Grâce, ce sera la première fois que je pose des questions sur la mort de mes parents à un étranger.

James CORNER est l'homme que je vais rencontrer dans quelques minutes. Il croit qu'il est sur le point de donner une interview pour enrichir l'article d'une journaliste. Je me demande quelle sera sa réaction...

Je pénètre dans la caserne la boule au ventre et me présente :

– Bonjour, je suis Ta... Grâce PEARS, j'ai rendez-vous avec James CORNER...
– Ah vous devez être là pour l'interview, il vous attend dans son bureau, prenez cette porte, longez le couloir, ensuite prenez la droite, tout juste après, prenez la gauche, son bureau est juste à droite !
– Merci !

Ce serait un mensonge de dire que j'ai compris ses indications ; on aurait dit le plan d'un labyrinthe ! Bon, ça ne doit pas être si compliqué, je bosse dans un hôpital, je dois pouvoir me repérer dans une caserne !

Elle a dit droite, gauche, droite... ou peut-être gauche, droite, gauche ? Zut je ne suis sûre de rien ! Okay je commence par droite, gauche, droite ; au pire je reviens sur mes pas et j'exécute le schéma inverse.

Coup de chance en arrivant devant le fameux bureau, j'ai la joie de constater que le nom de celui que je cherche est inscrit sur la porte.

Je frappe trois coups et entre lorsqu'une voix rauque m'invite à le faire. Je détaille minutieusement l'homme en face de moi ; il est plus jeune que ce que je pensais, sa carrure reflète bien son métier. J'ai l'impression d'avoir un géant sous les yeux, il fait au moins trois têtes de plus que moi, c'est bien la première fois que j'ai sous les yeux un tel spécimen ; il a les yeux gris d'acier, son regard est impénétrable, je ne saurais dire ce qu'il pense de cette entrevue.

– Mademoiselle PEARS, je suppose ?
– C'est exact ; je réponds à sa poignée de main bien ferme puis m'installe en face de lui.
– Alors, que voulez-vous savoir ?
– Tout ce que vous pourrez me dire !
– Eh bien nous en aurons pour la matinée entière, on m'a dit que vous vouliez retracer notre évolution de ces vingts dernières années !
– Ne vous en faites pas, j'ai tout mon temps...
– Hélas moi non, alors commençons !
– Quand avez-vous commencé à travailler à la caserne ?
– En 1966, j'avais 19 ans, c'est cette année là que la caserne a eu la merveilleuse idée de former des secouristes pour intervenir sur le terrain !
– Vous êtes plutôt jeune, comment avez-vous fait pour aussi vite gravir les échelons ?
– Beaucoup de travail et de sacrifice !

Bon, il faut que j'arrête de tourner autour du pot et que j'aille droit au but.

– Écoutez, je vais être honnête, je risque très gros en faisant cela mais je vais tout de même me lancer ; je ne suis pas Grâce PEARS.

Il n'a pas du tout l'air choqué, au contraire, je le vois esquisser un sourire.

– J'attendais que vous vous décidiez à me le dire, j'ai rencontré Grâce PEARS le jour où elle est venue prendre des photos pour illustrer son article. Vous lui ressemblez beaucoup, et c'est sans doute pour ça que la réceptionniste n'y a vu que du feu mais moi j'oublie difficilement un visage et j'ai une très bonne mémoire. Alors qui êtes-vous mademoiselle ?

Ton plan n'est pas le mien Où les histoires vivent. Découvrez maintenant