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Je ne me souviens pas avoir été dans un état d'excitation aussi avancé qu'aujourd'hui.

Après avoir obtenu mon permis comme un vrai pilote de formule 1, avec un score exemplaire de 29 points, mes parents ont commandé ma récompense, qui devrait être livrée chez le concessionnaire dans l'après-midi. D'humeur particulièrement agréable, j'ai excellé dans le rôle du parfait élève. Il ne me reste plus que le cours d'EPS, le repas du midi, et quelques heures de fumette avec Arthur avant de découvrir mon bébé.

En fin de matinée, je ne peux penser à rien d'autre qu'à ma future voiture. Alors que le prof détaille le programme de la séance de volley-ball, sa voix passe en arrière-plan et je quitte l'instant présent pour me perdre dans mes rêveries.

— Ça va être cool, chuchote Arthur, penché vers moi.

— Grave...

— Coiraton et De Mercière, un problème ?

L'inconvénient d'avoir exactement les mêmes profs que l'année dernière, c'est qu'ils nous connaissent trop bien et qu'ils nous ont toujours dans le collimateur. Dès que nous avons le malheur de prononcer plus de trois mots, ils nous sautent dessus. Avec tous leurs préjugés à notre sujet, retomber dans la section des élèves anonymes, ceux dont aucun prof ne connait le nom à la fin de l'année, est impossible. Et peu importe l'amélioration de notre comportement, ils s'acharnent sur nous ! « Toujours les mêmes » qu'ils disent. Oui, car ils ne voient que Coiraton et De Mercière qui papotent et qui répondent avec « insolence » aux injustices dont ils sont victimes !

Sans doute refroidi par ses avertissements inscrits en marge de bulletin, Arthur se contente d'un « non, Monsieur », et se tait pour le reste du monologue offert.

Après la fin des cours et notre sortie rituelle du mercredi après-midi, Arthur, qui veut vraiment voir mon cadeau d'anniversaire, m'accompagne à la maison. Quand je gare le scooter devant la porte du garage, nous avons la surprise de découvrir que mon bébé a déjà trouvé sa place à l'intérieur, à côté de la Range Rover. Un cri s'échappe de la bouche d'Arthur avant que je ne puisse émettre un son.

— Cléandre, t'es vraiment un sale fils de ta mère !

— De ouf, mec !

— Le modèle sport, quoi !

— Trop belle !

— Tu crois qu'elle fait du gros bruit ?

— Putain, j'espère ! Il faut qu'on teste !

Dans un état d'ébullition difficilement contenu, nous marchons d'un pas rapide jusqu'à la maison pour choper les clés, posées sur le comptoir de la cuisine, puis retournons au garage. Une fois dans l'habitacle de la voiture, je mets le contact. On s'émerveille presque quand le tableau de bord s'illumine, on jubile au son du moteur quand il se réveille, et on devient aussi hystériques que des groupies lorsque j'appuie un peu trop fort sur la pédale d'accélération.

— Fraté, on va moissonner un max de gonzesses au lycée, avec ça !

— À la pelle, mon gars ! À la pelle !

On continue de piailler pendant une heure dans la voiture, à appuyer sur tous les boutons, à admirer l'intérieur et les sièges en cuir, à jouir chaque fois que l'aiguille du compte-tours moteur dépasse les 4000... jusqu'à ce que mon père vienne couper court à notre délire.

Malgré tout, rien ne réussit à faner mon excitation après le départ d'Arthur. Ni les haricots verts — pire légume du monde — imposés par ma mère au diner, ni même l'humeur exécrable du daron après une journée de taf trop longue. Je mange le plus vite possible pour m'esquiver aussitôt dans ma chambre.

Ce qu'ils méritentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant