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— Alors, Cléandre, c'est le grand jour ! Est-ce que t'as hâte de rencontrer Lulu et sa bouche de suceuse ?

— Ta gueule, putain...

— En tout cas, moi, je suis trop content et j'ai hâte que tu me racontes.

— C'est ça.

— Est-ce que t'as des papillons dans le ventre ?

— Non.

Du moins, pas pour l'instant.

— Tu rentres ce soir, hein ?

— Mec, tu penses que je vais rester là bas ? Diner avec ses parents puis dormir dans sa chambre, avec la porte ouverte ?

— Sait-on jamais ? Pour peu qu'elle ait des parents ultras ouverts d'esprit... Ou si tu leur dis que t'as de l'argent, ils s'en ficheront de savoir ce que tu fais à leur fille de 14 ans.

Arthur ricane quand je lève les yeux au ciel.

Mon bol de céréales vidé, je quitte le canapé, le dépose dans l'évier du coin cuisine puis me dirige vers la salle de bain.

— Fais-toi beau gosse !

— Ta gueule, Arthur !

Quand je ressors, quinze minutes plus tard, l'abruti m'attend juste derrière la porte, et je frôle l'arrêt cardiaque.

— Fraté, tu vas où comme ça ? Tu vas à un date ou tu vas dealer du shit en bas des blocs ?

— Ni l'un ni l'autre, je vais juste voir une pote.

— Mec, tu peux pas aller voir Lulu habillé comme ça. Fais un effort, merde !

— Je vais pas y aller en costard !

— Mais pas en mode « nique ta mère », non plus ! C'est pas Marseille, ici ! Un jean et un t-shirt de couleur pour un peu de vie, c'est pas compliqué !

Vraiment, je suis déjà en retard sur mon heure de départ prévue et j'ai pas le temps de me prendre le chou avec lui, donc je me change en vitesse, attrape mon portefeuille et mes clés puis saute dans l'ascenseur pour aller aux sous-sols.

Avant de partir, je retire l'autocollant « A » que mon père m'a forcé à mettre sur la vitre arrière de ma voiture. Ce truc de la honte qui, en plus d'être inutile, gâche tout le style de ma Audi A1 sportback 35 TFSI 150 S Tronic 7 Business line.

Mon voyage commence bien, puisque j'ai à peine quitté le garage que je me perds déjà. Même avec le GPS, il me faut une éternité pour rejoindre l'autoroute dans le bordel qu'est cette ville.

Après ça, je roule tranquille, sans personne pour m'emmerder, musique à fond, jusqu'à arriver à un péage. Au niveau de la borne, je baisse ma fenêtre, insère ma carte bleue, patiente.

Quand « paiement refusé » apparait à l'écran, je ne pète pas tout de suite un plomb et réessaie. Mais lorsque les mêmes mots s'affichent, j'ai juste envie d'éclater au sol cette connasse de carte électron de merde.

À bien y penser, on m'a peut-être mentionné, un jour, que cette carte inutile ne passait pas aux péages autoroutiers, mais j'étais sans doute trop occupé et non disposé à enregistrer l'information à ce moment-là.

Toujours sans m'énerver, je sors mon portefeuille de ma poche arrière. Et là, je suis à deux doigts de m'arracher les cheveux. D'ordinaire prévoyant, je m'assure toujours d'avoir du liquide dans mes poches, mais le seul jour où je suis à sec, j'en ai besoin. Le plus rageant, c'est qu'il ne me manque qu'un putain d'euro pour régler ce putain de péage.

Ce qu'ils méritentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant