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Allongée dans mon lit, vêtue de son pyjama pilou, mon portable dans la main, Kenza m'envoie des lasers avec ses yeux, et je devine qu'elle est déjà en train de s'imaginer les plus grands scénarios de trahison dans sa tête.

— Vraiment, c'est pas ce que tu crois.

— C'est qui, Lucyle ?

— Juste une pote.

— Pourquoi tu mens et prétends parler à Arthur, alors ?

Je hausse les épaules, parce que je n'ai moi-même pas trop de réponse à cette question.

— Elle est au lycée ? poursuit Kenza.

— Non...

— Alors quoi ?

— Fais-moi confiance, t'as pas à t'inquiéter.

— Comment je peux te faire confiance si tu me dis pas qui c'est ?

— Ben... Juste, fais-moi confiance, quoi.

— Dis qui c'est, alors.

— C'est juste une gamine...

— C'est-à-dire ?

— Elle a 14 piges.

Au même moment mon téléphone vibre. Le nom de Lucyle s'affiche de nouveau à l'écran, avec son autre message non lu.

— Elle a l'air de beaucoup t'apprécier en tout cas.

— On fait que parler, vraiment...

Kenza soupire. Ses yeux rivés sur mon portable expriment à la fois de la contrariété et de l'agacement. J'ai déjà la flemme de vivre ce qui va suivre.

— J'aime pas trop cette histoire... admet-elle finalement.

— Franchement, si c'est parce que c'est une fille, sache qu'il y aura jamais rien. Elle est même pas à Nice, ni même dans la région.

Elle hausse les sourcils, surprise, et j'espère que ça suffira à lui faire lâcher l'affaire.

— Ah bon ? Tu l'as rencontrée où ?

— Internet...

— Sérieux, Cléandre ?

— Vraiment, dis comme ça, ça fait chelou, mais c'est parce que t'as pas le contexte.

— Je veux bien le contexte alors, parce qu'en effet, ça fait limite.

— C'était juste sur un forum de discussions et... voilà, on s'est...

— Parce que tu traines sur des trucs comme ça, toi ?

— Et pourquoi pas ?

— Je croyais que c'était juste pour les types bizarres et boutonneux sans ami, comme l'autre Fabien, qui mange tous les jours seul sur le même banc de la cour.

— Ben, non, j'y vais quand je m'ennuie, pour passer le temps.

L'écran de mon portable s'illumine encore, annonçant la réception d'un nouveau message. Kenza louche dessus, puis fronce les sourcils.

— Je rêve ou ta Lucyle parle de moi ? C'est quoi cette histoire de mur entre toi et moi ?

— C'était juste une blague...

— Franchement, Cléandre, t'es bizarre. Qu'est-ce que tu lui racontes, toi aussi ?

— Je lui raconte juste ma vie, comme je le ferai avec une amie.

Ce qu'ils méritentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant