Comme chaque vendredi, la classe est intenable. D'autant plus que nous terminons la matinée avec notre cours préféré : Histoire-Géographie.
Tout le monde adore le cours d'Histoire-Géographie. Les gens rigolent à gorge déployée, parlent avec leurs potes situés à l'autre bout de la classe, ou pianotent sur leur portable à découvert.
Seuls les intellos les plus assidus, tous installés au premier rang, résistent. Ils participent, notent le cours et ne se laissent pas corrompre par l'euphorie et l'excitation générale du week-end à venir.
Tant bien que mal, Mme Diassouka poursuit son cours sur la Guerre Froide dans le brouhaha ambiant et tente de nous impliquer, sans grande réussite. En partie à cause d'Arthur. En bon chef autoproclamé des élèves perturbateurs, il s'assure que cet état d'effervescence ne s'essouffle jamais.
Je ne sais pas pourquoi personne ne respecte Mme Diassouka.
C'est comme si d'un commun accord passé en début d'année, nous l'avions désignée comme notre souffre-douleur. Celle avec qui presque tout le monde oublierait le règlement et son contrat d'élève. Parfois, je me sens mal pour elle, mais nous ne l'avons pas choisi par hasard. Sa personnalité, son aura, son apparence ne renvoient rien d'autre qu'un manque flagrant d'autorité, une incapacité à gérer une classe un peu dissipée.Dès que la sonnerie résonne dans les couloirs, Arthur et moi ramassons nos sacs restés fermés et quittons la salle, avant même que Mme Diassouka n'ait le temps de prononcer la dernière phrase de son cours.
Nous sommes les premiers à arriver devant les portes du réfectoire.
— J'imagine qu'on mange encore avec ta gonz' ? soupire Arthur.
— Tu devrais être content, y'aura Nina.
— Je suis pas sûr qu'elle m'intéresse encore. Elle est pas trop dégueulasse, mais quand elle ouvre la bouche, ça gâche tout. Je supporte pas son accent marseillais.
Le vendredi est le seul jour de la semaine où nous mangeons à la cantine, car c'est celui où les lasagnes, hamburgers, frites, nouilles chinoises ou autres sont au menu.
Plateau en main, nous nous installons à une table de six, placée devant la grande baie vitrée qui donne sur la cour. Le réfectoire commence à se remplir peu à peu, et nous sommes finalement rejoints par un groupe de filles.
Kenza s'assoit en face de moi, un grand sourire sur les lèvres et les cils battant en guise de bonjour.
Vraiment, même après un an presque et demi de relation, je suis toujours fasciné par sa beauté. Ses longs cheveux noirs lisses, sa peau de pêche, ses yeux chocolat illuminés par le soleil qui filtre à travers la vitre, son nez, sa bouche, tout est niquel. Mais en plus de son physique au top, elle est intelligente, douce, féminine... Juste parfaite. Parfois, j'arrive même à penser qu'elle l'est peut-être un peu trop...
Faut dire que ses parents lui ont donné une éducation bien carrée et pleine de valeurs, en parfaite osmose avec les règles de bienséance. Ça m'étonne d'ailleurs qu'ils laissent Kenza prendre la pilule ou même avoir un copain. Ce n'est pas comme s'ils ignoraient ce que cela implique. Peut-être qu'ils ne sont pas aussi stricts qu'ils ont en l'air. Ou alors, ils m'aiment vraiment bien.
Sans doute qu'un garçon issu d'une famille aisée, habillé de joggings scandaleusement chers, inspire plus confiance qu'un prolo lambda en survêtement Adidas.
Arthur passe la moitié du repas à loucher sur la fameuse Nina qu'il kiffe plus que tout, malgré son accent marseillais et son apparence « pas trop dégueulasse ». Il rebondit sur chacune de ses phrases pour faire durer les conversations, montre ses facettes les plus charmantes, et s'efforce de supprimer tout vocabulaire offensant de son langage.

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Ce qu'ils méritent
Novela JuvenilEntre les cours, ses heures de colle, un meilleur ami envahissant, une copine parfaite et des sorties illimitées, Cléandre est un lycéen à la vie bien remplie. Ça ne l'empêche pas de parfois s'ennuyer et de traîner sur Internet, et des forums, où il...