Prologue:

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- On va te faire des couettes d'accord Ashley? Dit l'homme à la fillette en face de lui.

- Oui!!! Des couettes!!! S'écria t-elle en tapant dans ses mains comme une hystérique.

Il commença à lui peigner les cheveux soigneusement, il faisait des mouvements lents et laissait glisser ses doigts dans la chevelure blonde de la petite.

- Pourquoi je peux pas me couper les cheveux? Comme les filles qu'on voit à la télé? Demande soudainement la jeune fille.

- Parce que les princesses ont toutes de longs cheveux soyeux.

Les yeux de la petite s'illuminèrent.

- Et moi je suis une princesse!!

- Exactement, MA princesse.

*

Je me levai de mon lit, posai mes pieds sur le sol froid de ma chambre puis marchai lentement jusqu'à la salle de bain. La pièce, d'un rose hideux, me rappela, pour une raison que je ne compris pas, à quel point ma vie était misérable. Dans le miroir au dessus de l'évier, j'observai avec désinvolture mon reflet fatigué.

Les princesses sont censées être heureuses, non? Pourquoi suis-je donc pas?

<<Parce que tu n'es pas une princesse. >> me rappela une voix dans ma tête.

- Je ne suis pas une princesse, murmurai-je mélancoliquement.

Je pris une paire de ciseaux sur une petite commode et la portai à mes cheveux. Fébrilement, je commençais à les couper, et, au fur et à mesure que je voyais mes longs cheveux blonds s'échouer sur le marbre poli, je me mettais à pleurer. Pas à grosses gouttes, non. C'étaient juste des larmes qui coulaient sur un visage inexpressif.

La dernière mèche par terre, je regardai le résultat. Mes cheveux stoppaient à présent leur chemin raide sur mes épaules et encadraient mon visage blême. Ce n'était pas très moche, mais je n'aimais pas du tout. Ou du moins, je n'essayais pas d'aimer. Je baissai la tête pour regarder les restes sur le sol, et une bouffée de remords emplit mon corps chétif.

Je voulais être une princesse, je voulais être SA princesse, mais ce n'était plus possible. Pourquoi voulais-je tant le voir? Pourquoi me manquait-il à ce point? La réponse est simple, je l'aimais, j'étais plutôt obligée, je n'avais que lui. Je le considérais comme mon père, mon mentor, mon confident, enfin quand il ne buvait pas. C'est simple, j'avais vécu toute ma vie avec lui, dans une petite maison délabrée. Je n'avais pas le droit de sortir, je passais mon temps dans la maison, à travailler ou, à de rares occasions, à regarder la télé.

Je ne savais pas ce qu'était la vie, je ne savais pas à quoi ça ressemblait une mère ou des frères, un chien ou ce genres de choses. Je ne me doutais même pas qu'il y avait des enfants dans ce monde qui vivait autrement que comme moi je vivais. Quand je demandais à cet homme que je considérais comme mon père pourquoi je n'avais pas de mère comme les enfants à la télé il me répondait que ce n'étaient que des dessins animés, que je ne devais pas écouter ce qu'ils racontaient et il m'en avait privé pendant un mois. Je n'avais que lui, j'étais obligée de l'aimer, même si ce n'était que juste un peu.

J'avais peur là, j'avais peur de ces gens, de cette maison, je ne savais pas qui ils étaient même s'ils me répétaient qu'ils étaient mes parents. À présent, je vivais dans une jolie maison en ban-lieue, j'avais cinq frères et sœurs, une mère au visage d'ange et un père qui ne punissait jamais ses enfants. J'avais un chien, un joli petit caniche blanc qui dormait dans mes draps, une belle chambre aux murs roses et un lit à baldaquin. J'allais au lycée, enfin, depuis quatre jours seulement. Je voyais du monde, je sortais, j'allais au parc. Mais je détestais tout ça. Je voulais juste retrouver mon chez moi, sombre et sinistre, sale et sans lumière. Je ne voulais pas sortir, je ne voulais pas voir du monde, je voulais juste être avec lui, la seule personne en qui j'avais confiance, la seule personne en qui j'avais toujours eu confiance.

Enfin, mes sentiments étaient assez contradictoires : lorsque je prenais pleinement conscience de tout ce qu'il m'avait fait subir, je me surprenais à implorer des dieux auxquels je ne croyais même pas afin qu'il lui fasse payer tout ça. Quant à Maurice, il était bipolaire, je crois. Souvent, il était doux et gentil, et la seconde d'après violent et cruel. Peu à peu, j'avais fini par comprendre : je n'étais pas une princesse, j'étais une poupée, une vulgaire poupée de chiffons tenaillée par des sévices constants.

Mais allez savoir pourquoi, il me manquait.

Ça faisait une semaine et quatre jours, une semaine et quatre jours que tout ça était arrivé. Une semaine et quatre jours qu'il m'avait relâchée et que je vivais avec ces gens. Je voyais un psychologue tous les mercredis soirs, mais je ne lui parlais pas.

<<Il ne faut pas parler aux inconnus, il ne faut parler à personne à part moi.>> C'était ce qu'il me disait tout le temps, alors je l'écoutais, enfin quand je le voulais bien.

Je ne parlais que quand c'était nécessaire, quand on me posait une question ou qu'on essayait d'avoir une conversation, je répondais juste froidement, ou je ne répondais pas quand je n'en avais pas envi.

<<Je reviendrai te chercher.>> m'avait dit Maurice quand il m'avait relâchée. Ces mots me glaçaient le sang, mais me réconfortait à la fois, car ils étaient bien la promesse que je le reverrais.

Je sais, je sais. C'était ridicule d'espérer un peu qu'un homme qui m'avait fait tant de mal revienne pour m'emmener avec lui, mais c'était comme ça, et je n'y pouvais rien. Je quittai la salle de bain et retournai dans mon lit. Je jetai un œil à l'horloge accrochée au mur, une heure du matin. Je n'avais pas dormi de la nuit, je l'attendais, mais d'un autre côté je restais éveillée parce que j'avais peur qu'il revienne, et qu'il... Qu'il me frappe et abuse encore de moi. Je fixai alors le plafond sans bouger. Il y avait un lustre qui y était accroché, il était grand, imposant et faisait du bruit dès qu'un courant d'air passait. Le toit de ma chambre était très haut, il avait sûrement fallu une échelle pour réussir à accrocher ce lustre. Mes parents étaient richissimes, vu la maison imposante, la piscine dans le jardin très bien entretenu et les trois voitures dans le garage. Je vois qu'ils ont réussis à combler mon absence pendant ces quatorze années.

Je fermai les yeux, flux et reflux d'images : cinq têtes blondes, trois masculines, deux féminines dont deux sont identiques, mes frères. Le visage serein de Maurice, lors des <<jours heureux>>. Ceux convulsés de douleur d'enfants qui, comme moi, furent prisonniers de cette homme mais n'eurent pas la chance de survivre. Ce qui m'emmena à me poser cette question : pourquoi moi? Pourquoi m'avoir épargnée moi? Je secouai la tête frénétiquement.

Je fermai les yeux, flux et reflux de sensation : la peur, l'angoisse, la douleur, vive, profonde, ineffable, incommensurable.

Mon corps avait beau être dans cette pièce, je n'y étais pas. Non, moi, j'étais dans un gouffre sans fond, dans lequel je ne cessais de m'abîmer. Un gouffre qui m'engloutissait dans ses abysses sombres et lugubres, pour m'y retenir, à jamais. Et, j'avais beau me débattre, il continuerait toujours de m'enfoncer, chaque jour un peu plus, encore et encore, éternellement. J'étais comme ces oiseaux à qui on coupait les ailes pour les empêcher de voler, avant de les enfermer dans une cage. Oui, j'étais comme eux. Prisonnière, prisonnière d'une cage d'affliction.

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Bonne lecture et surtout n'oubliez pas de commenter, de voter et bien évidemment, de parler de l'histoire à ceux qui voudront bien l'entendre.

P. S : Cette histoire me tient vraiment à cœur, j'ai l'impression qu'en plus d'une simple histoire triste où la fille se sent mal et finit par voir la vie du bon côté grâce au gentil garçon cliché des livres sur Wattpad, elle a quelqu'un chose de plus profond, de plus instructif, de vrai, elle pousse à réfléchir. Où alors je suis conne et c'est pas du tout ça XD. Bref. J'espère juste qu'elle vous inspirera autant qu'elle m'inspire moi.

Anyway, bonne lecture 💖

Affliction.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant