Devant moi, la mer dans toute sa splendeur d'un soir d'automne, sombre, mais brillante par endroits. Au loin, dans la clarté de la ligne d'horizon, se dessine la forme d'un bateau. Voiles gonflées, il fend la brise, pur. Le vent commence à se rafraîchir, mais le soleil chauffe encore. Derrière moi, la pinède souligne la montagne enneigée au loin.
C'est alors qu'il sort de l'eau, son pas s'enfonce juste assez dans le sable, des gouttes brillantes perlent de ses cheveux ondulés, son buste doré luit, son visage illuminé dans la pénombre.
Il tend sa main et me touche. C'est doux, agréable. Il disparaît dans la lumière, puis le revoilà.
Paf !
Quelque chose vient de m'assommer.
- ... mmm !
Le quelque chose me secoue l'épaule et d'un coup il fait froid.
- Enwoille, réveille ostie ! Tô-tu vu l'heure ?
Ce cri dans mes oreilles, sur la plage ?
- ... mmm, qu'est-ce qu'il y a ? Il fait froid non ?
- Nouzot' on va magasiner lâ, pis t'as dit que tu nous accâompagn'rais !
C'est quoi ce charabia. Accent bizarre, genre accent québ ...
Oh p..., ça y est, j'y suis. Non je ne suis pas à la maison et il n'y a pas de bateau au large ni de sirène mâle, mais je suis au Canada et un Québécois vient de me réveiller.
Et a lâchement enlevé la polaire qui me tenait chaud !
- Tom, c'est pour les courses que tu m'as sortie d'un super rêve ?
- C'est pâs moé, c'est Ti Pierre lâ. Mais ça a ben d'l'allure, y é bin capabe d'parler français du Québec. Pi y'a eu raison, fait qu'sinon, tu dormais jusqu'à soir lâ. T'as même pas été capab' d'entendre le klaxon du char.
- Réveillée pendant la sieste ! Mais vous n'avez aucun savoir vivre ! Si mon grand-père savait ça !
- Embraye, on crisse le camp, y nous attendent, lâ. Fait qu'y aura bientôt pu d'sel à Tapachula ! a ajouté Ti'Pierre.
C'était pour aller en ville. Les courses se méritaient, encore de la piste pendant un bout de temps. Cette fois, j'avais eu droit à la cabine, donc pas de poussière et du moelleux sous les fesses. Benj, en bon père de famille et surtout parce qu'il avait le permis canadien, était encore le conducteur.- Le commandant de bord Benjamin Jason Dawson et son équipage vous souhaitent la bienvenue à bord de ce Toyota 747 à destination de Rivière-Blanche, parking du Parc des Beaux Lacs. Veuillez attacher vos ceintures. Ce voyage est non fumeur. Je vous rappelle qu'il est interdit de fumer dans les toilettes qui se trouvent derrière l'arbre. Fumer dans les toilettes ou porter atteinte aux détecteurs de fumée est passible de corvée de vaisselle. La température extérieure est de 25° Celsius, ce qui fait approximativement une centaine de Fahrenheit pour ces ringards de yankee. Nous atteindrons Rivière-Blanche dans une centaine de nids de poule. La compagnie Air Benji et ses membres d'équipage vous souhaitent un agréable voyage.
On rigolait comme d'habitude, mais cette fois, il y avait un petit malaise : Manu avait décidé de rentrer en France et on profitait de notre virée en ville pour le déposer. J'avais le sentiment d'un échec, alors que finalement, ni moi ni les autres n'étions coupables : il ne supportait pas de vivre loin de sa copine, voilà tout. Mais sur le moment, je me souviens avoir ressassé des et si : et si j'avais été un peu plus attentive, et si je l'avais raccroché au groupe au lieu de le laisser dans son coin, et si j'avais fait plus d'efforts ... Je me sentais coupable parce que je me devais d'être solidaire d'un compatriote dans un pays étranger. Je me sentais coupable aussi parce que début juillet, c'était quelqu'un de très ouvert, de très sympa et d'enjoué et que je ne l'avais pas vu sombrer.
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Et pendant ce temps-là, à Tapachula (mon été dans les bois)
Romance« A force de muscles et de sueur, nous retapions la cabane. Ou plutôt à force de sueur, de douleurs et de cris stridents suivis d'un juron lorsque l'un d'entre nous finissait avec le marteau sur le doigt plutôt que sur le clou. Le métier était en...