16. Jonathan

143 25 13
                                    

Jonathan L.
E-mail reçu le 13 juillet 2008
Ecrit en anglais, traduit en français (de France)

Salut !

Ici tout baigne : toujours célibataire, toujours animateur, toujours prêt pour un bon plan avec les potes. D'ailleurs si ça te tente, on se fait une petite virée sauvage sur la côte du Labrador pour Thanksgiving. Tiens moi au jus, ce serait sympa que tu te joignes à nous, ça mettrai un peu de poésie dans cette expé de brutes ! Non je déconne, les potes sont tranquilles. J'ai déjà dû te parler d'eux pendant nos longues conversations pour ta thèse.

Tiens au fait, c'est à cause d'eux que je me suis retrouvé à tafer aux Beaux Lacs. J'avais perdu un pari. A propos de quoi au juste ??? Condamné à passer l'été dans la forêt canadienne au lieu d'aller rider à Queenstown, NZ. Je n'étais pas hyper chaud pour prendre ce job, c'est vrai, mais je suis de bonne composition et j'ai ma fierté. Et puis, une nouvelle expérience, même loin de la neige quand les potes surfent sur la poudre, c'est toujours bon à prendre. Et la forêt boréale, c'est un truc qui me plaisait quand j'étais petit, quand je regardais les gratte-ciel autour de moi et que je lisais l'appel de la forêt. Bon, Pete me corrigerait direct, vu que ce n'était pas la forêt boréale. OK, mais c'était la forêt avec les ours et les castors, et toutes ces bestioles de Walt Disney, même si on n'a pas vu un seul ours.

Je m'étais donc pointé le jour J au lieu de rendez-vous, parti en avion de Chicago à l'aube. Je m'étais retrouvé dans le bureau des Parcs à Montréal, avec des bureaucrates d'un côté et de l'autre, des mecs bien cool de passage avec la chemise rouge à carreaux des gars de la forêt, des gaillards bien taillés qui me faisaient passer pour une danseuse étoile malgré mon gabarit pourtant bien charpenté. On avait taillé la bavette avec deux des gars sur la terrasse d'un petit bistrot coolos et on avait tranquillement attendu le reste des troupes, qui m'ont semblé assez jeunes et pour la plupart un peu trop gringalets. En plus, il y avait des nanas. OK, elles tenaient la route, la blonde et la rousse surtout, des bombes, mais pour le job qu'elles pourraient abattre, j'avais des doutes. Enfin, on verrait bien ce que ça donnerait, ce n'était pas moi le patron après tout et c'était sûrement une question de quota pour faire plaisir au lobby féministe. Ma foi, c'était mieux d'être avec des nanas que de passer un mois et demi avec seulement des mecs en rut. La rousse est allée sur un autre site, dommage, j'ai toujours aimé les rousses. Il restait la blonde, qui envoyait dans le genre sexy.

Les collègues semblaient assez dégourdis. En moins de deux, on a chargé des planches, des sacs de bouffe, de l'eau et tout un tas de barda dans le 4x4 des rangers et on a tracé pour la forêt. Je n'arrêtais pas de penser aux potes, aux pentes de puff, aux rides sous le soleil, aux soirées techno qu'ils allaient se taper, avec les néozélandais et surtout les néozélandaises et à l'alcool à gogo, alors que moi je m'enfonçais dans le silence et l'austérité de la forêt. Tel un moine en pèlerinage ou un truc du genre. Merde, moi qui suis un des rares à ne pas croire en dieu dans ce foutu pays !

Je me rappelle qu'on a pas mal roulé sur cette piste défoncée et qu'à l'arrivée, j'avais apprécié la petite clairière et sa baraque devant le lac. Ca me rappelait les cabanes des montagnes quand on partait rider plusieurs jours et qu'on était trop fauché pour se payer l'hôtel. Qu'est-ce qu'on avait pu se cailler dans nos duvets trop fins, pourtant serrés comme des sardines, à tuer les soirées à coup de bières et de weed. Sauf que là c'était l'ambiance petite maison dans la prairie, avec Laura Ingalls qui nous attendait devant le pas de la porte sous un soleil de plomb.

J'ai vite trouvé mes marques. Quelques binouses, un peu de sueur, des bonnes poilades, une guitare au coin du feu (merci Bob pour la gratte) et la puff était vite oubliée. La troupe ressemblait à rien, on n'avait rien en commun, musique, sport, pays, langue, mais c'est un des meilleurs groupes que j'ai eus. Et je peux te dire que j'en ai eus des groupes. A peu près autant de poilades qu'avec la troupe de la formation éducateur.

Et pendant ce temps-là, à Tapachula (mon été dans les bois)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant