Ce mois d'août 1815 était particulièrement chaud et calme. Les rues de Castans restaient désertes et les maisons gardaient leurs volets fermés pour conserver un maximum de fraîcheur. Dans l'une d'elles, une jeune femme souleva un fin rideau de toile blanche avant de le relâcher en soupirant.
–Je crains que les températures ne redescendent pas avant un moment.
C'était une belle jeune femme à la longue chevelure épaisse et soyeuse, noire comme la nuit. Sa peau pâle faisait ressortir ses yeux sombres et ses minces lèvres roses. Elle humidifia le linge qu'elle tenait dans la main et le tendit à son mari, alité.
–Regarde, tu t'occupes de moi comme une infirmière, grogna ce dernier.
–Je peux faire plus qu'une infirmière... Répondit-elle en se penchant pour embrasser son mari.
–Emma, j'ai mal, je suis un infirme.
–Allons, arrête de dramatiser. Tu es habitué pourtant à ce que cette cicatrice te fasse mal, le sermonna-t-elle doucement.
–Pas par cette chaleur !
La jeune femme observa son mari. Elle savait qu'il détestait rester oisif et devoir rester au lit était pour lui la pire des punitions. Cet ancien soldat de Napoléon était à ses yeux le meilleur homme que la Terre ait porté. Elle s'assit près de lui, sur le côté du lit, pour lui tenir compagnie.
–Et qu'aurais-tu fais, Alexandre, si tu avais pu te lever ?
–Je t'aurais emmené dans un grand jardin, et nous nous serions rafraîchit sous les arbres.
Emma imaginait très bien la promenade que décrivait son mari, lente et romantique, au son du clapotis d'un cours d'eau qui passerait à côté. Alors elle monta complètement sur le lit et s'installa à côté de lui.
–Alors imaginons que nous soyons sur une barque et que nous passions sous les arbres ! proposa-t-elle en effectuant un ample geste du bras, comme pour écarter une branche imaginaire.
Alexandre eut un sourire. Sa femme avait toujours été pleine d'imagination. Il se retourna vers elle et l'embrassa. Que rêver de mieux par une aussi chaude après-midi !
Ils allaient partir pour une ballade enchantée quand la sonnette retentit. Emma se releva et se dirigea vers la porte de la chambre.
–Marguerite ne peut-elle pas y aller ? bougonna Alexandre.
–Elle est avec la petite, laisse-la, répondit-elle en retournant embrasser encore une fois son mari.
Elle sortit de la chambre, descendit les escaliers sur la pointe des pieds et alla ouvrir la porte d'entrée.
–Bonjour Emma.
–Oh mon cher ami, que faîtes-vous dehors par une chaleur pareille ? Entrez boire quelque chose! proposa-t-elle.
–Je venais vous rendre visite. Mais j'aurais dû me douter que j'aurais encore plus chaud en vous voyant, chuchota-t-il de façon à peine perceptible.
–Oh voyons, je vous ai déjà dit d'arrêter ce petit jeu. Nous sommes amis, et cela restera comme ça, dit-elle avec une voix douce en tentant de sourire.
–Où est Alexandre ? Il n'est pas ici ? demanda l'homme en entrant.
–A l'étage. Il n'est pas disponible aujourd'hui, expliqua Emma en refermant la porte.
Le visage de l'homme se tourna vers l'étage, puis ses yeux écarquillés redescendirent sur Emma. Un sourire mesquin apparu sur ses lèvres, qui inquiéta la jeune femme.
–Oh mais alors...Ça veut dire que vous, vous êtes disponible pour moi ? susurra-t-il en glissant sa main sur celle d'Emma.
–Arrêtez ! s'offusqua-t-elle en retirant violemment son bras.
–Je sais que vous rêvez de moi ! Poursuivit-il en l'attirant vers lui.
Emma commença alors à paniquer. Il avait toujours été séducteur, mais il ne s'était jamais montré aussi pressant. Elle se rendit compte qu'elle ne l'avait également jamais vu sans la présence de son époux.
–Pour l'amour du ciel lâchez-moi ! Vous savez que rien n'est possible ! Je suis mariée !
–Oh mais ce n'est que cela ?
Avant qu'Emma ne puisse réagir, il l'avait lâchée et se dirigeait vers les escaliers. Il gravissait les premières marches, lorsqu'en un éclair elle comprit ce qu'il comptait faire. Folle de peur, elle courut se jeter sur lui pour l'empêcher d'aller plus loin. Il se dégagea de son emprise d'un simple coup d'épaule. Une seconde fois elle le rattrapa, et le frappa de toute ses forces sans résultat.
–Non ! Ne lui faites rien ! Je vous en supplie ! Alexandre ! Non ! Pars ! pleura-t-elle.
L'homme se montrait insensible à ses lamentations. Il était arrivé à l'étage. Elle s'accrochait à sa jambe, mais cela ne faisait que le retarder. Il avançait en la traînant derrière lui comme un poids mort, mais pas suffisamment lourd pour être gênant. Elle eut juste le temps d'apercevoir la porte de la chambre de sa fille être fermée de l'intérieur avant qu'il n'entrât dans celle de son mari.
Alexandre avait réussi à se lever et se tenait dans un coin de la pièce, en habits de nuit, s'appuyant contre la table de chevet pour se maintenir debout. Il avait sorti son épée, mais l'assaillant sauta sur le lit et le désarma en quelques coups. Emma lui attrapa le bras pour l'immobiliser, mais il s'en défit et la garda contre lui. Il mit Alexandre à terre sans grande peine car celui-ci peinait à rester debout. Emma, haletante, se débattait comme elle pouvait mais son agresseur avait beaucoup plus de force qu'elle. Il tenait Alexandre au bout de son épée. La pointe contre sa poitrine.
–Arrêtez ! Arrêtez ! suppliait-elle en suffocant.
–Regarde, ton valeureux mari, il pleure !
En effet, des larmes coulaient le long des joues creuses d'Alexandre.
–Je t'aime Emma ! sanglota-t-il.
Avant qu'elle eut pu lui répondre, leur agresseur enfonça la pointe de son sabre dans la poitrine d'Alexandre, avec un sourire satisfait sur le visage. Une tâche rouge s'élargit alors autour du point d'impact, sous le regard horrifié des deux époux. Ils se regardèrent une dernière fois dans les yeux.
–Je t'aime ! Parvint-elle à gémir à l'attention de son mari.
L'assassin relâcha Emma qui s'écroula sur son mari agonisant. Passant frénétiquement sa main sur son visage moite, elle l'embrassa tant qu'elle put. Il ferma les yeux, et quitta ce monde dans un soupire.
–Alexandre ! Reviens ! Mon amour ! hurlait-elle désespérée.
Le meurtrier ne lui laissa pas plus de répit. Il l'agrippa par l'arrière du col et la releva à sa hauteur.
–A ton tour maintenant.
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Compagnons et trahisons
Historical FictionNous sommes en 1833. La jeune Elisa reçoit une terrible nouvelle qui va bouleverser sa vie: elle n'est pas celle qu'elle croit être. Ses parents ont été assassinés pour un mystérieux mobile. La jeune femme va se lancer dans une enquête pleine de reb...