Chapitre 15

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Elisa sursauta. Elle ne s'était pas attendue à ce que sa mère ait d'autres enfants. Les deux jeunes hommes s'inclinèrent chacun leur tour lorsque leurs prénoms respectifs furent prononcés. Elisa leur rendit leur salut, légèrement tremblante. Elle pensa à Pierre, son frère de toujours. Il fallait qu'elle lui raconte ! Ce ne fut qu'à grande peine qu'elle parvint à contenir toute son excitation. Elle inspira profondément. Cette nouvelle avait fait gonfler son cœur comme s'il se préparait à faire de la place pour encore plus de personnes. Les deux jeunes gens lui sourirent gentiment. Ils semblaient avoir l'âge des sœurs Morec. Celle-ci venaient d'ailleurs de quitter le groupe pour s'enfoncer parmi les autres invités.

—Mère, savez-vous où sont parties Mélie et Marceline ? demanda le dénommé François.

—Aucune idée, répondit leur mère ; elles ont dû rejoindre des connaissances.

Les deux frères parurent embarrassés un instant. M. de Sauvigner prit la parole.

—Voyons, mes enfants, ne vous mettez pas des œillères de la sorte, il y a plein d'autres cavalières qui seraient ravies d'avoir votre nom dans leur carnet de bal. Proposez donc à Mme de la Tour, si elle et son mari acceptent...

Elisa ouvrit de grands yeux et se tourna d'un coup vers Gustave, la lèvre tremblante.

—Sans problème, répondit celui-ci.

François, le plus âgé des frères accepta d'inviter Elisa à la prochaine valse. Il avait soupiré discrètement, l'air résigné, mais avait finalement adressé un franc sourire à la jeune fille. Celui-ci la toucha en plein cœur. Rien que le fait de pouvoir toucher une personne de son sang la mettait dans tous ses états. S'en était trop, elle devait rêver. Si elle se remettait de son émoi, elle allait même pouvoir lui parler. C'était une opportunité à ne pas manquer.

La musique retentie. François entraîna Elisa au milieu de la piste de danse. Celle-ci plus heureuse que jamais dû redoubler d'efforts pour danser convenablement. Cependant, l'air absent de François ne lui échappa pas. Il ne la regardait pas dans les yeux et semblait chercher quelqu'un d'autre parmi les convives. Cela la peina.

—Je m'excuse si je vous ai privé d'une cavalière... commença Elisa.

François se retourna vers elle, désolé.

—Oh excusez-moi Madame, ce n'est pas contre vous. Seulement, j'aurai aimé dansé avec la jeune Mélie Morec. Vous devez la connaître, je crois...

—Oui, nous nous sommes rencontrées. Elle et sa sœur sont vraiment de charmantes personnes.

—Je suis entièrement d'accord. Nos deux familles sont amies depuis longtemps, mais nous les voyons de moins en moins.

—Seriez-vous en froid ?

—Non, bien au contraire... Nous voyons toujours autant les parents Morec, mais moins leurs filles. Pour tout vous dire, j'ai l'impression que l'on veut nous empêcher de nous voir. Surtout mon père et sa mère à vrai dire.

—Savez-vous pourquoi ?

François haussa les épaules avant de la faire tourner sous son bras.

Il sembla ensuite se concentrer davantage sur leur danse.

—Mais vous êtes également une très bonne cavalière, veuillez m'excuser de vous avoir dérangé avec mes histoires...

—Ce n'est rien voyons, vous devez simplement être énervé.

Elle releva les yeux vers lui et lui sourit. Celui-ci l'observa alors plus en détail.

—Votre expression m'est familière. Aurions-nous eu l'occasion de nous croiser auparavant ?

—Je ne crois pas... C'est la première fois que je viens à Paris. J'ai fait la connaissance de la famille Morec la semaine dernière.

Elle marqua une pause.

—Si vous voulez, je pourrai vous aider à voir les filles Morec...

Le visage du jeune homme s'éclaira.

—C'est vrai ? Vous feriez ça ? Mais pourquoi ? Vous nous connaissez à peine.

—Je trouve ça particulièrement triste d'empêcher des personnes de se voir.

François de Sauvigner hocha la tête. Il était tout à fait d'accord avec elle.

—Vous êtes ... Je vous serai infiniment redevable ! bégaya-t-il ; et mon frère aussi d'ailleurs. Lui, c'est Marceline qu'il aime. Après tout, elle n'est plus vieille que lui que d'une année.

—Que dit votre mère de vos histoires ? l'interrogea Elisa.

—Pour elle, je dois épouser celle que j'aime. Elle a été très malheureuse par le passé. Elle a été mariée trois fois, mais c'est une longue histoire. Elle ne veut pas que nous soyons malheureux.

La valse prit fin. Ils avaient compris d'un coup d'œil qu'ils n'aborderaient plus ce sujet une fois revenus auprès des autres. Ils s'inclinèrent respectueusement l'un vers l'autre et retournèrent vers Gustave qui les attendaient Mme de Sauvigner et Octave. Emma de Sauvigner adressa un grand sourire aux danseurs qui revenaient vers eux et leur offrit à chacun un verre. Elisa la remercia, les yeux pétillants. Sa mère avait vraiment l'air d'être une belle personne.

Ismérie Morec et M. de Sauvigner avaient disparus tandis que Joseph Morec discutait avec ce qui semblait être un partenaire financier. Il frottait sa bedaine comme un homme qui vient de conclure une bonne affaire et les deux hommes se serrèrent la main.

—Les garçon, intervint Emma de Sauvigner ; je crois que les filles Morec sont derrière la table de friandises. Vous devriez aller les rejoindre avant que votre père ne revienne.

Le visage des jeunes gens s'éclaira instantanément. Ils déposèrent chacun un baiser sur la joue de leur mère et s'empressèrent de rejoindre les élues de leurs cœurs.

—Ah la jeunesse... souffla leur mère, on ne devrait jamais l'empêcher d'aimer...

Elisa, toute attendrie par la scène dû se retenir de verser une larme et se contenta d'acquiescer.

Ils continuèrent ensuite à parler de choses et d'autres. Mme de Sauvigner leur posa des questions sur leur arrivée à Paris et Elisa devenait malade de devoir lui mentir ainsi. La tentation était immense de tout révéler. Gustave dû le sentir car il annonça qu'ils allaient devoir partir. Il échangea sa carte de visite avec la mère d'Elisa et se dirigèrent vers la sortie. Ils étaient parmi les premiers à sortir.

Au niveau de la moitié du couloir, Elisa ne put retenir ses larmes. Gustave l'attira donc dans un coin plus retiré de la pièce, pour qu'elle se remette de ses émotions. Il lui tendit à nouveau son mouchoir.

—Vous la reverrez d'ici peu...

—C'était la première fois... sanglota-t-elle ; elle est tellement gentille, et je lui ai menti !

—Oui je comprends. Mais cela s'arrangera bientôt, dès que nous aurons résolu cette enquête.

Soudain, il plaqua sa main sur la boucha d'Elisa et lui fit signe d'écouter à travers les rideaux. Des voix faibles mais langoureuses leur parvenaient.

—Oh Ismérie mon chat...

—Edouard... Je t'aime...Ce n'est pas prudent, si Emma nous découvrait...

—Chut c'est toi que j'aime. Embrasse-moi encore, ma douce colombe.

Compagnons et trahisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant