—Cela ne vous dérange pas j'espère ? demanda-t-il en tournant la tête vers elle.
—Non, non, sourit-elle d'un ton qui se voulait convaincant.
Elle rougissait à l'idée même que le détective puisse l'imaginer avoir de mauvaises pensées.
—Bon, de toute façon c'était le seul moyen.
La voiture s'arrêta devant une grande maison de briques rouges, en banlieue parisienne. De grandes rayures blanches verticales et horizontales séparaient la bâtisse en trois parties et délimitaient les différents étages. Les fenêtres étaient encadrées de pierres claires et celles de l'étages ouvraient chacune sur un balconnet.
—C'est là que nous nous arrêtons, déclara Gustave Poirier.
—C'est chez vous ?
—Non, chez vous. J'ai pris la liberté de la faire nettoyer.
Il l'invita à descendre et prit les valises. Il ouvrit la grande grille de métal noir. Elisa admira la maison avec de grands yeux ébahis. Il paraissait évident que le jardin n'avait pas été entretenu, mais elle pensait pouvoir l'améliorer très rapidement. Un petit escalier en pierre permettait d'accéder à la porte d'entrée. Le détective ouvrit et elle entra dans une large pièce d'entrée agrémentée d'immenses tapisseries. A droite une porte donnait sur la salle à manger, et à gauche sur un petit bureau de réception. Au fond de la pièce, un grand escalier en châtaigner conduisait à l'étage. Tout l'intérieur était meublé dans un style Louis XVI, avec un gout indéniable.
—Vous venez d'être livrée. Les meubles sont arrivés il y a peu, expliqua le détective.
Elisa hocha la tête admirative. Elle ignorait que ses parents aient eu une autre habitation. M. et Mme Auboiroux ne lui en avait jamais parlé. Soudain elle fronça les sourcils.
—Mais ma mère peut nous démasquer si elle nous voit ici...
—Vous me prenez pour un débutant ? Votre mère ne connaît pas cette demeure. Un oncle éloigné de votre père le lui a légué quelques jours avant sa mort. Elle n'a pas été mise au courant.
Elisa restait bouche bée ; devant les connaissances du détective, et devant ses propres richesses. Il lui indiqua sa chambre au second. Lui dormirait dans la chambre voisine. Elle monta installer ses affaires. Gustave Poirier en profita pour préparer un repas frugal. Ils se mirent rapidement à table et élaborèrent un plan pour la journée du lendemain.
—Nous allons passer beaucoup de temps ensemble, je vous appellerai par votre prénom, cela sera moins lourd, commença-t-il.
Elisa fut étonnée par une demande aussi directe. Gustave Poirier avait l'habitude de tout dire sur le même ton. Même les choses habituellement inconvenantes.
—Si vous le permettez, se corrigea-t-il.
—Oui, oui, bien sûr...
-—Bien. Appelez-moi Gustave, aussi.
Elisa accepta. Elle n'avait rien contre, après tout.
Le lendemain, Gustave se rendit très tôt en plein cœur de la capitale, avant même qu'Elisa ne se soit levée. Elle profita de ce temps pour arranger l'intérieur à sa convenance et chercher si son oncle avait laissé des informations sur sa famille.
Le midi, Gustave revint accompagné d'une domestique. Il avait donné rendez-vous à la jeune femme dans une rue un peu plus loin pour ne pas divulguer l'adresse, au cas où elle aurait refusé. Il avait pris soin de choisir une bretonne ne parlant pas le français. Ce n'était certainement pas ce qui manquait. Cela allait leur permettre de parler librement sans craindre que leurs conversations ne soient répétées. Elisa se montra ravie de l'initiative du détective. Cela ajoutait plus de réalisme au couple qu'ils étaient censés jouer.
La jeune Bleuenn Lucas, à peine plus vieille qu'Elisa, se mit immédiatement au travail. Elle débordait de bonne volonté et Elisa s'empressa d'aller la rassurer sur ses exigences.
Gustave profita de la préparation du repas par Bleuenn pour mettre Elisa au courant de ces manigances de la matinée. Il avait commencé par acheter quelques actions en bourses. Il s'y était fait connaître sous le nom de M. De la Tour, notamment auprès de banquiers.
—Je serai Léandre De la Tour. Avez-vous réfléchi à un prénom ?
—Marianne De la Tour. Cela me plaît bien. Devons-nous nous appeler ainsi devant Bleuenn?
—Oui, ne prenons aucun risque.
Bleuenn fit irruption dans la pièce et les servi. Ils la remercièrent d'un hochement de tête et mangèrent sans un mot de plus. Au moment de replier sa serviette, Gustave s'adressa à Elisa.
—Venez avec moi cette après-midi. Nous allons faire une promenade aux Jardins du Luxembourg. Vous y rencontrerez sans doute d'autres femmes de la bonne société. Il faut déjà vous faire une réputation.
—Je suppose que oui. Permettez, je monte me changer.
Ils se levèrent et Elisa monta en compagnie de Bleuenn. Elle passa une robe à crinoline rose pastel. C'était une toute nouvelle robe, à la mode parisienne, légèrement décolletée sur les épaules et les manches bouffantes. Elle prit également des gants blancs, un large chapeau agrémenté de rubans rose pâle, ainsi qu'une bourse assortie. Elle se regarda dans le miroir. Elle s'était rarement faite aussi jolie. Mais cette après-midi il était indispensable qu'elle fasse bonne impression. Elle rajusta le chapeau et descendit rejoindre Gustave. Il l'attendait dans l'entrée. Par pur élan de coquetterie, elle s'arrêta au milieu des escaliers afin que le détective puisse admirer sa nouvelle toilette. Elle lui sourit.
—Cela conviendra, commenta simplement Gustave en ouvrant la porte.
Elisa quelque peu déçue par cette remarque descendit les quelques marches qui la séparait de Gustave et prit son bras, se forçant à sourire.
Un fiacre les déposa rue Guynemer, juste à côté des jardins. Ils entrèrent par un large portail. Il s'agissait d'un jardin à l'anglaise. Des statues de marbre bordaient l'allée principale. Elisa n'avait jamais rien vu de tel et les admira toutes une à une. La plupart représentaient des personnages de la mythologie. Gustave la pria de se montrer plus discrète. Elle était censée être habituée aux belles choses. Ils marchèrent près d'un quart d'heure. De jeunes enfants, surveillés par leurs gouvernantes ou leurs mères, couraient dans les allés en riant, poussaient des cerceaux, ou cajolaient leurs poupées.
—Oh, j'aperçois M. Villaux, là-bas, allons à sarencontre, chuchota Gustave à Elisa.
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Compagnons et trahisons
Historical FictionNous sommes en 1833. La jeune Elisa reçoit une terrible nouvelle qui va bouleverser sa vie: elle n'est pas celle qu'elle croit être. Ses parents ont été assassinés pour un mystérieux mobile. La jeune femme va se lancer dans une enquête pleine de reb...