Elisa ouvrit les yeux. Les rideaux avaient été tirés en les rayons du soleil entraient avec force dans la chambre du détective. Juste ciel ! Elle s'était endormie dans son lit ! Elle se redressa en sursaut. La chambre était vide. Elle se mordit la lèvre. Elle s'en voulait vis-à-vis de son ami. Cela avait terriblement dû le gêner. Elle se leva rapidement et descendit dans la salle à manger. Gustave était à table et lisait le journal. L'ayant entendu descendre, il se retourna et lui adressa un franc sourire.
—Alors, mon lit est-il confortable ?
Elisa affreusement gênée de cette mésaventure se confondit en excuses.
Le détective s'en amusa et assura que ce n'était rien.
—Mais où avez-vous dormi, vous ?
—Dans mon fauteuil, comme d'habitude.
Elisa fronça les sourcils.
—Vous ne dormez tout de même pas toutes les nuits dans votre fauteuil...
—Eh si, affirma Gustave ; la position allongée me tourne la tête.
Elle plissa les yeux en le fixant, tentant de déterminer si le détective ne lui servait pas une excuse. Après tout, c'était un curieux personnage, tout était possible. Gustave plia son journal et l'abattit sur la table.
—Bon, il est l'heure d'aller faire mes recherches !
—Oh ! Attendez-moi, je viens aussi !
—Mais vous n'êtes pas prête du tout.
—Si, si, je suis déjà habillée, c'est bon, affirma Elisa en attrapant un morceau de baguette qui trainait sur la table.
Gustave se leva. Elle n'avait pas fini de mâcher son maigre butin qu'il enfilait déjà son manteau.
—Bon, venez-vous ? s'impatienta-t-il.
Elle le rejoignit, la bouche pleine, les yeux encore bouffis de la nuit, les cheveux épars. Il posa ses yeux bleus sur elle, ce qui manqua de la faire avaler de travers. Il avait le regard le plus glacé qu'elle connaisse.
—Qu'y a-t-il ? s'inquiéta-t-elle.
Il haussa les épaules et passa le seuil de la porte. Elle lui emboîta le pas et jeta un œil au miroir de l'entrée. Elle comprenait à présent la réaction de Gustave. Elle attrapa un chapeau et l'enfonça jusqu'aux oreilles.
Lorsqu'elle sortit, le détective l'attendait sur le trottoir en lui présentant son bras. Elle le prit et ils marchèrent ainsi rapidement jusqu'aux archives. Gustave s'avança pour ouvrir la porte, appuya sur la poignée, puis se retourna vers Elisa.
—Je ne vous cacherai pas que vous étiez beaucoup plus présentable hier soir. Les gens vont se demander ce que vous avez fait pour avoir une tête pareille.
Elisa s'apprêta à répliquer mais laissa tomber. Gustave n'était pas du genre à prendre des pincettes et elle devait avouer qu'il avait raison. Elle l'encouragea d'un signe de tête à entrer.
Ils demandèrent au gardien qui se trouvait là de leur sortir tous les quotidiens de l'année 1816. Celui-ci les conduisit dans une de salles attenantes et leur indiqua le rayon où ils trouveraient leur bonheur. Il retourna à son poste et les deux jeunes personnes entamèrent leurs recherches sans un mot. Chacun commença par un bout. Gustave par le mois de janvier et Elisa par la fin de l'année.
—Oh regardez ! s'exclama Elisa en tirant un exemplaire de décembre ; l'annonce de la naissance de François de Sauvigner !
Gustave la rejoignit et ils lurent l'annonce. Il y était dit que M. et Mme de Sauvigner étaient heureux d'accueillir leur premier enfant.
—Bien, bien, donc si on calcule bien, leur mariage aurait dû avoir lieu en février au plus tard...
Ils focalisèrent leurs recherches sur ce mois, mais il ne fut en aucun cas fait mention de M. de Sauvigner, ni même de M. de Nehmours.
Ils passèrent donc au mois de mars, sans plus de succès, puis au mois d'avril, de mai, Elisa commençait à perdre tout espoir. de trouver quelque chose. Enfin, Gustave brandit un numéro de la première quinzaine du mois de juin.
—Là ! s'écria-t-il ; ça parle de l'assassinat de M. de Nehmours.
Elisa lui arracha presque le journal des mains. Ils ne s'étaient pas trompés. Antoine de Nehmours avait été assassiné. Cependant, personne n'avait été arrêté pour son meurtre. L'enquête avait porté sur le mari de la maîtresse du défunt, mais qui faute de preuves, avait dû être relâché. Quelques lignes en bas de la page lui étaient dédiées. L'accusé avait tenté de se défendre en mettant en avant sa longue amitié avec M de Nehmours. Il disait que jamais une femme, et certainement pas la sienne n'aurait valu de rompre cette amitié.
—Ce peut-il que ce soit Joseph Morec ?
—Cela ne fait aucun doute, affirma le détective.
Elisa ouvrit de grands yeux.
—Tous les maris de ma mère la trompent avec Ismérie Morec, c'est quand même louche...
—Tous, je ne sais pas... les deux derniers en tout cas.
—Oui, c'est ce que je voulais dire, rectifia Elisa. Elle frissonna à l'idée que son père eut pu faire la même chose. Non, ce n'était pas possible.
Gustave c'était remis à feuilleter les journaux. Il ne tarda pas à en sortir un nouveau. Daté du 21 juin. Il y était fait état du mariage entre la veuve Emma de Nehmours et M. de Sauvigner.
—Attendez, mais du coup, cela veut dire que François de Sauvigner est le fils d'Antoine de Nehmours et qu'Octave est celui d'Edouard de Sauvigner ?
—En effet, c'est ce que les dates semblent indiquer.
Elisa resta pensive un moment. Tout se complexifiait. Avec François et Octave, ils partageaient tous la même mère, sans pourtant qu'aucun de leurs pères ne soit la même personne. Il fallait ajouter à cela que les deux derniers maris de leur mère entretenaient une relations avec Ismérie Morec, et que deux sur les trois avaient été tués.
—Peut-être est-ce cette horrible pimbêche qui se débarrasse de ses amants quand ils ne l'intéressent plus, suggéra Elisa.
—Mmm mais dans ce cas, il faudrait trouver qui elle a employé pour faire le sale travail, car ce n'est certainement pas elle qui les aura exécutés.
—Oui...
—Et il faudrait, si cette hypothèse se justifie, admettre que votre père également entretenait une liaison avec elle.
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Compagnons et trahisons
Historische RomaneNous sommes en 1833. La jeune Elisa reçoit une terrible nouvelle qui va bouleverser sa vie: elle n'est pas celle qu'elle croit être. Ses parents ont été assassinés pour un mystérieux mobile. La jeune femme va se lancer dans une enquête pleine de reb...