Elisa allongée sur son lit, en chemise de nuit, les cheveux défaits, avait passé la soirée à relire la lettre de Pierre. Il lui posait des milliers de questions. Commet allait-elle ? Comment trouvait-elle Paris ? Comment l'enquête avançait-elle ? Elisa soupira. Elle aurait aimé que les choses aillent plus vite. Cela faisait maintenant cinq jours qu'ils se trouvaient à Paris et qu'aucune nouvelle ne venait alimenter ses recherches. Pierre demandait également comment se comportait le détective à son égard, s'il n'essayait pas de la séduire. Elle eut un petit sourire en levant les yeux au ciel. Gustave la courtisait autant que le chêne devant la maison. Non, vraiment, ce n'était pas le type d'homme attiré par les femmes. Elle s'en était très rapidement aperçue. Elle se surpris à penser que cela aurait néanmoins pu être amusant. Au même moment, on toqua à la porte.
—Entrez !
Elisa en releva la tête, prête à expliquer à Bleuenn ce qu'elle désirait porter le lendemain. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle découvrit Gustave. Elle se releva d'un coup, remontant sa couverture pour se couvrir davantage. Son cœur peinait à retrouver un rythme normal. Elle l'observa rapidement de bas en haut, l'air outragée.
—Que faites-vous là ?
—Ma chère femme, je viens passer quelques instants avec vous.
Il referma la porte. Le teint d'Elisa vira au rouge écarlate. Des sueurs froides coulèrent dans son dos. Elle recula. Gustave s'avança et s'appuya contre la colonne de son lit à baldaquin, les mains dans les poches. Le souffle de la jeune fille se fit de plus en plus saccadé.
—Sortez ! ordonna-t-elle, tremblante.
—Je viens vous parler du repas de demain.
—Dans ma chambre ?
—Comme ça, la bonne, ne viendra pas écouter. Et c'est une attitude normale pour des personnes mariées.
Elisa respira. Oui, bien sûr, Gustave serait prêt à toutes les excentricités pour l'enquête. Elle se demanda même pourquoi elle avait eu peur. Elle s'assit devant sa coiffeuse et invita le détective à s'asseoir sur son lit. Celui-ci lui expliqua l'attitude qu'ils auraient à tenir lors du dîner. D'après ses renseignements, les Morec avaient deux filles, Marceline et Mélie. Le rôle d'Elisa serait de parler avec les demoiselles et leur mère pour soutirer le maximum d'information, sans toutefois éveiller les soupçons. Elle devait découvrir quels types de relation liait les trois femmes, si l'une était délaissée, si les filles appréciaient leur mère, s'il y avait une préférée.
—Nous auront l'occasion de les revoir, alors pas de précipitation, prévint Gustave.
Sur ce, il se leva, et sorti sans même se retourner. Elisa se regarda dans le miroir. C'était la première fois qu'un homme la voyait en chemise de nuit, hormis son père et son frère. Et ce dernier n'avait même pas réagi. Était-elle si banale que cela ? Ou était-ce les filles en général qui ne faisaient rien au détective ? A présent, elle brûlait d'en savoir un peu plus sur sa vie personnelle. Cela l'occuperait pendant son temps libre. Une seconde enquête à mener quand l'autre piétinait. Elle se sourit une dernière fois et alla dormir.
Le lendemain, elle passa la journée à se promener dans son jardin. Gustave s'était absenté pour la journée. En fin d'après-midi, elle monta se changer avec l'aide de Bleuenn. Elle revêtit une robe bleue de dîner, bleue marine à volants. Des fleurs en fil argenté décoraient le bustier, et les différents étages de la jupe. Elle demanda à Bleuenn de lui donner son avis, et celle-ci la rassura. Elle ferait honneur à ses hôtes. Elle lui tendit ensuite un large chapeau, agrémenté de plumes blanches et de fleurs bleues. Au moment où la jeune domestique allait se retirer, Elisa la retint. Elle lui demanda si elle souhaitait prendre des cours de français. Cette dernière lui avoua qu'elle en avait déjà pris l'initiative. Elisa la remercia et se leva.
Gustave l'attendait dans le jardin. Ils prirent une voiture qui les conduisit rue des Deux-Portes-Saint-André. Elisa leva les yeux, les bâtiments semblaient monter jusqu'au ciel. Ils frappèrent à la porte, et un majordome vint leur ouvrir. Il les conduisit au petit salon. Là, ils trouvèrent la famille Morec.
Joseph Morec se leva de son fauteuil. Il n'avait pas beaucoup changé par rapport à la peinture que Mme Auboiroux conservait. C'était un petit homme enveloppé de la cinquantaine, dégarni au sommet du crâne. Les cheveux qui lui restaient avaient une teinte grise. Les joues pendantes, les yeux noirs sans expressions, il n'attirait pas vraiment la sympathie. Sa femme, grande, la quarantaine, restait séduisante malgré ses traits tirés. Elle avait toujours de longs cheveux blonds, mais retenus en rouleaux sur le dessus de sa tête. Elle fixait Elisa de ses yeux verts perçants et lui sourit. Derrières eux, se tenaient deux jeunes filles d'environ dix-huit et quinze ans. Les présentations furent faites. L'aînée des deux filles, brune aux yeux bleus s'appelait Marceline, et la seconde, les cheveux plus clairs et les yeux verts, se prénommait Mélie.
M. Morec les conduisit à la salle à manger. Il s'agissait d'une pièce spacieuse, décorée de peintures et moulures diverses. Ils s'assirent autour d'une table en acajou, tout en discutant. Elisa se retrouva entre M. Morec et Marceline, tandis que Gustave fut placé entre Mme Morec et leur fille cadette.
—Ainsi vous voulez investir dans l'entreprise de mon mari ? Commença Ismérie, avec un sourire satisfait presque forcé.
—Oui, mais d'abord, j'aurai aimé en savoir plus sur l'affaire, répondit Gustave en se tournant vers le principal intéressé.
—Vous n'avez aucun souci à vous faire, l'entreprise se porte à merveille, le rassura celui-ci.
Il entreprit alors de résumer l'histoire et l'état actuel de Morec-Vapeur. En 1815, il était venu habiter à Paris et avait repris l'affaire d'un vieil oncle, tout en la modernisant quelque peu.
—Ce dut être une décision difficile à prendre, tant de responsabilités... souligna Gustave.
—Oh mais mon mari aime avoir des responsabilités. C'est un homme d'affaires né. Se trémoussa Mme Morec.
Elisa se força à inspirer. Elle ne comprenait pas comment ses parents avaient pu être amis avec une femme pareille.
—A vrai dire, reprit son mari, je devais être associé à un ami. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme nous le souhaitions...
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Compagnons et trahisons
Historical FictionNous sommes en 1833. La jeune Elisa reçoit une terrible nouvelle qui va bouleverser sa vie: elle n'est pas celle qu'elle croit être. Ses parents ont été assassinés pour un mystérieux mobile. La jeune femme va se lancer dans une enquête pleine de reb...