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Sans grand étonnement, ma tante répond à la première sonnerie, complètement paniquée.

- Mélian, je t'en supplie, tu sais où est Stephy ? On s'est engueulé et depuis j'ignore où elle est. Oh mon Dieu j'espère qu'il ne lui est rien arrivé.
- Ça va tantine, elle est ici, elle va bien, rassure toi.
- Chéri ! Elle est chez Mélian, elle va bien ! Dit-elle à son mari sûrement non loin d'elle.
- Bah qu'elle y reste elle n'est plus ma fille de toute façon !

Les mots de mon oncle font aussi mal que s'ils m'étaient destinés. Ça me fait énormément de peine pour Stephy. La voix rageuse de mon oncle se fait de plus en plus lointaine, je suppose que ma tante se met un peu à l'écart afin de pouvoir mieux discuter avec moi...

- Désolée mon grand, tu connais Charles, c'est plus fort que lui.
- Ouais mais heureusement que ce n'est pas Stephy qui vous a appelé, elle est suffisamment mal comme ça.
- Je sais, on a mal réagi, surtout moi. Je ne m'attendais pas à ça. C'est notre seule fille, tous mes rêves d'être mamie viennent de s'envoler. Tu ne peux pas comprendre tu n'es pas encore parent. Mais, si un jour ta chair, ton sang, ne te donne aucune chance d'être grand-père, tu réagiras aussi mal que moi.
- Non, je pense que je serai ravi que mon enfant soit heureux, c'est tout ce que je pourrais lui souhaiter, quelque soit la personne avec qui mon enfant sera. Puis tu sais si elle veut un enfant rien ne l'empêchera d'adopter. Ce sera long certes mais c'est faisable.
- Mais ce sera différent. Ce ne sera pas mon petit-fils ou ma petite-fille.
- Mais je suis sûr que l'amour que tu lui apporteras sera similaire.
- Et à l'école ? Les autres enfants se moqueront de lui.
- Tantine, combien d'enfants ayant des parents hétéro subissent des moqueries du style '' ta mère c'est une grosse vache '' si sa maman a des problèmes de surpoids ou ''ta maman c'est un monsieur, elle a pas de cheveux '' si sa maman a dû subir une chimio... Les enfants sont cruels entre-eux et n'hésitent pas à se moquer de ce qu'ils ne connaissent pas, surtout s'ils ne connaissent pas le respect. Le plus important est le bonheur apporté à cet enfant. Et si cet enfant n'est pas adopté, il sera soumis à des moqueries du style ''tes parents te trouvaient moche alors ils t'ont mis à la poubelle'' alors que cet enfant a peut-être été battu par un couple hétéro.
- Oh mon Dieu... Tu as raison... Dit-elle en sanglotant davantage. Je dois la soutenir. Tu dois sûrement penser que je suis une mère horrible.
- Non, pas du tout tantine, dis-je pour la rassurer. C'est normal que tu penses à ça, tu ne t'attendais pas à une telle nouvelle et je suis sûr que Stephy ne voulait pas que tu l'apprennes ainsi.
- Tu le savais toi ?

Je tourne la tête pour regarder ma cousine et la vois en train de faire un câlin à Teddy, faisant naître sur mes lèvres un léger sourire, avant de répondre à ma tante.

- J'ignorais qu'elle avait rencontré quelqu'un, mais je savais qu'elle préférait les filles.
- Elle te l'a dit ? Quand ? Il y a longtemps ? Pourquoi elle te l'a dit à toi et pas à moi ?
- Il y a quelques temps, avant son entrée au lycée, elle voulait en parler à quelqu'un, mais elle préférait attendre de trouver la bonne fille avant de vous en parler.
- Elle a déjà eu... Une... Petite amie?
- Non, pas une mais trois mais ça n'a jamais duré longtemps ...
- Comment ai-je fait pour ne rien voir ?
- C'était un secret, elle a fait son maximum pour qu'il le reste ainsi.
- Et elle l'a vraiment bien gardé...
- Ne lui en veut pas... Dis-je doucement. Tu sais, tout ce que tu m'as dit tout à l'heure, par rapport à tes petits-enfants, elle le sait, elle savait que ça te ferai de la peine, elle s'est posée énormément de questions et au début elle culpabilisait énormément de préférer les filles, elle culpabilise toujours un peu, mais elle sait qu'elle ne peut pas changer qui elle est réellement au fond de son cœur. Elle espère juste que vous continuerez de l'aimer telle qu'elle est...
- Elle est ma fille, rien ne pourrait changer cela.
- Je le lui dirais, mais elle a encore besoin de temps pour vous l'avouer en face. Quand elle sera prête elle reviendra vers vous. En attendant je lui ai proposé de rester un peu ici. Puis ça fait un moment qu'on ne s'est pas vu donc...
- Oui, bien sûr, il n'y a aucun problème, si elle a besoin d'affaires ou quoi que ce soit, je lui apporterai ou elle passera quand son père ne sera pas là. Je ne sais pas si tu l'entends mais il est toujours furieux, dit-elle visiblement peinée.
- Non je ne l'entends pas, mais ce qu'il a dit tout à l'heure était suffisant pour comprendre qu'il ne changera pas de point de vue aussi facilement...
- Je lui parlerai et ferai tout pour lui faire entendre raison.
- D'accord tantine, je te remercie.
- En tout cas je suis rassurée qu'elle soit avec toi, je sais que tu vas bien t'occuper d'elle... Bon, passez une bonne soirée et, dis à Stéphania que je l'aime.
- Ce sera fait, bonne soirée à toi aussi tantine.

Après avoir raccroché je reste encore quelques instants ainsi à regarder mon téléphone, espérant y trouver une réponse. Mais rien. Je tourne la tête vers Stéphania. Cette dernière est blottie dans les bras de mon frère. Je retourne lentement vers l'intérieur de la maison. En m'entendant revenir, Stéphania et Teddy se retourne en un seul mouvement.

- Alors ? S'empresse de demander mon frère.

Je regarde Stéphania, ignorant si je peux parler librement. Pour simple réponse elle me dit :

- Il sait.

Je baisse la tête et range mon téléphone dans ma poche, espérant trouver les mots justes, puis me lance.

- Ta mère accepte ta relation. Il lui faudra un peu de temps pour s'habituer mais elle comprend et t'accepte telle que tu es...

À ces paroles elle pousse un long soupir de soulagement tout en baissant la tête et fermant les yeux. Avant de me fixer soudainement de nouveau.

- Et mon père ?

C'est à mon tour de baisser la tête, ne trouvant pas les mots pour ne pas trop la blesser.

- Il lui faudra davantage de temps, ta maman essaie de le raisonner également, dis-je peiné. Mais rassure toi tu n'es pas obligée de rentrer chez toi immédiatement, tu peux rester aussi longtemps que tu veux ici, ta mère te portera des affaires si besoin. Elle t'aime et regrette d'avoir réagi ainsi.

Elle hoche doucement la tête, et au même moment Fabien descend les escaliers en nous informant que la chambre de Stéphania est prête.

Elle nous remercie et décide d'aller à l'étage se reposer un peu.

Nous discutons encore quelques minutes avec mon frère puis il nous souhaite également une bonne soirée avant de rentrer chez lui, nous laissant seuls Fabien et moi.

Au regoubillonnement des chambriersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant