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- Mon chéri ! Crie ma mère en me prenant dans ses bras.
- Mais... Que faites-vous là ?
- Eh bien ça fait quelques temps qu'on ne s'est pas vu alors on a décidé de passer vous voir toi et ton frère.
- Vous nous manquez tellement, dit ma mère au bord des larmes.
- Oui... Vous aussi... C'est juste que là... Ce n'est pas trop le moment...
- Oh... Tu n'es pas seul... Dit mon père avec un sourire en coin. Comment elle s'appelle ? Elle est belle ?
- Oh euh...
- Bonjour.

Je me retourne vivement en entendant la voix de Fabien. Je regarde vivement mes parents et m'empresse de faire les présentations en essayant de devancer mon amant.

- Je m'appelle Fabien, je suis...
- Mon colocataire ! Fabien est mon colocataire, dis-je en évitant le regard de mon copain. Fabien, je te présente Victorine et Jean, mes parents.
- Enchanté jeune homme, lance mon père en lui tendant la main.
- Moi de même...
- Fabien a encore pas mal de cartons à ranger alors...

Je tourne timidement la tête vers lui et vois toute l'incompréhension dans ses yeux.

- Oui, oui bien-sûr, je vais vous laisser en famille. Ravi de vous avoir rencontré.
- Oui... Nous aussi, dit amèrement ma mère.

Je vois Fabien remonter à l'étage et invite mes parents à entrer.

- Vous voulez boire quelque chose ?
- Non merci fiston, on ne reste pas. Dis moi, ton coloc, il ne serai pas un peu... Demande mon père.
- Un peu... ?
- Oui... Tu vois ce que je veux dire...
- Non je ne vois pas.
- Eh bien... De la bagouse.

Voyant mon incompréhension, ma mère précise.

- Ton père pense que ton colocataire est différent de nous. Qu'il est... Homosexuel, dit-elle à voix basse.

Mes parents ne sont pas au courant de mon homosexualité. Et les connaissant, leur dire serai une tragédie.

- Et tu le penses aussi maman ?
- Eh bien... Il a des allures un peu efféminées, dit-elle toujours aussi doucement.
- O...K... Et admettons qu'il le soit, ça fait quoi ? Je veux dire être homo n'est pas une maladie.
- C'est contre-nature fiston.
- Oui, alors s'il te plaît, ferme bien la porte de ta chambre quand tu dors et celle de la salle de bain aussi quand tu prends ta douche, on ne sait jamais.
- Carrément ? Ah ouais...

Je n'avais jamais vraiment parlé de l'homosexualité avec mes parents, et je suis bien content de ne pas avoir fait mon coming-out avec eux. Ce que j'entends me sidère au fond de moi. Ce qui me console c'est que Fabien n'entend pas toutes ces atrocités.

- Dommage que je n'ai pas de cave alors, sinon s'il est gay j'aurai pu directement l'enfermer à l'intérieur comme une bête enragée.
- Je ne le dirai pas ainsi chéri, mais admets tout de même que ces gens ne sont pas comme nous.
- D'un point de vu homophobe ? Totalement. D'un point de vu humain ? Ils ont deux jambes, deux bras, une tête et des sentiments. Oh ! Comme les hétéros dis donc ! Serions-nous semblables ?
- Je te rappelle que c'est un homo qui a tué Mathieu, ce n'est pas de l'homophobie que d'en vouloir à des monstres pareil ! S'énerve mon père.
- Des monstres ? Non mais tu t'entends parler ? Parce que tous les criminels sont des homosexuel peut-être ? Non il y a des hétéros aussi. Mais qui veut noyer son chien dit qu'il a la rage c'est plus facile.
- Bon ça suffit ! Ce que tu dis est inadmissible. Viens chérie on y va, au moins ton frère est d'accord avec nous, lui, dis mon père en se levant.
- Si vous le dites...
- Bon, au revoir mon chéri et surtout... Fais bien attention à toi, dit-elle en regardant le haut des escaliers.

Une fois partis et la porte fermée, je me laisse glisser le long du mur le plus proche et laisse mes larmes passer la barrière de mes yeux.

Je sens Fabien venir s'asseoir près de moi. Instinctivement, je me blottie dans ses bras.

- Pardonne-moi d'avoir dit que tu étais mon coloc', mais...
- Chuuut... J'ai entendu... Je comprends...

Tout en parlant il me caresse le dos pour me réconforter, mais après cette discussion ce n'est pas évident.

- Ils ne savent pas que...

Je ne lui laisse pas finir sa phrase que je bouge déjà négativement la tête.

- Et ils ne t'aident pas à le leur dire...
- Je suis désolé pour tout ce qu'ils ont dit. C'était vraiment horrible. Je savais que l'homosexualité était un sujet sensible depuis le décès de Mathieu, mais j'ignorais à quel point ils avaient développés une telle haine pour les personnes comme nous.
- Ce n'est en rien ta faute, d'accord ? Parfois la peur de l'inconnu mêlé à un souvenir douloureux peut pousser des personnes à en vouloir à toute une catégorie.
- Je sais, j'étais pareil avant de te rencontrer. Je veux dire, moi aussi j'ai détesté au début le fait que j'étais gay, c'est un gay qui a assassiné mon frère parce qu'il était hétéro. C'est pour cela que j'aimais tant faire souffrir mes partenaires, parce qu'ils me rappelaient tous la souffrance que j'avais vécu en perdant Mathieu. Mais ta souffrance m'a fait réaliser que tu n'étais en rien responsable des actes qu'avait fait l'enfoiré qui a tué mon frère.
- Pour tes parents ce sera sûrement la même chose. Quand ils verront qu'un gay arrive à te rendre heureux, il changeront peut-être d'avis sur nous. Puis tu restes leur fils
- Je l'espère. Mais ma mère se fait une telle joie de devenir grand-mère. Elle sera tellement déçue.
- Ne dis pas ça, si elle t'aime elle t'acceptera comme tu es, puis Teddy est là aussi, bon depuis que Thérèse est partie c'est comme s'il était parti aussi mais ça va aller, il en fera certainement des enfants. Et nous, rien ne nous empêchera d'adopter un jour, certes ce sera difficile mais je suis sûr qu'on y arrivera.
- Ouais, au moins Teddy ne déçoit pas nos parents, c'est déjà ça...
- Je suis sûr que tes parents sont fiers de toi aussi.

Il me serre un peu plus contre lui, et je suis content qu'il soit près de moi. Sa présence me rassure.

- Bon, ton frère vient toujours dîner avec nous ce soir ?
- Logiquement oui. Il me fera sûrement le rapport de ce que nos parents lui ont dit.
- Non, ce soir il ne dira rien, et s'il entame la discussion il n'aura pas de dessert. D'ailleurs je vais aller m'en occuper.
- Et tu vas nous faire quoi de bon ?
- Un tiramisu, me dit-il avec un regard coquin.
- Mmmmh, j'en ai déjà l'eau à la bouche.

On se lève et tandis qu'il va dans la cuisine, je me dirige sur la terrasse pour commencer à tout installer pour notre soirée.

Depuis le départ de Thérèse, Teddy est sensiblement sur les nerfs. Un rien le rend tendu. Surtout au boulot. Il a du mal à garder ses employés. En six mois quatre employés sont déjà partis.

L'employée actuelle est là depuis bientôt trois mois, c'est un réel exploit.

De mémoire, le premier n'est pas resté à cause de Garfield. Il était allergique aux poils de chat et Teddy refusait de le laisser chez lui. La deuxième était au contraire trop proche de Garfield, au point d'en oublier de faire son travail. Le troisième était tellement coincé qu'il n'avait pas un manche à balais dans le cul mais un séquoia géant et le quatrième était incapable de comprendre qu'il ne fallait pas faire des démonstrations aux clientes au milieu du magasin. Visiblement, l'employée actuelle à l'air de convenir. Pour l'instant.

Au regoubillonnement des chambriersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant