Le Démon aux yeux rouges - Tome 1 - Le Royaume des Glaces

Chapitre 5 - L'ombre d'un empereur

Le palais était plongé dans la semi-obscurité. Les murs autrefois colorés étaient maintenant noirs. Les rideaux étaient fermés. Un serviteur marchait furtivement, tête baissée, une expression de peur sur le visage.

L'ancien empereur repensa à ce qu'était le palais impérial avant le règne de Noxara : ce château sombre et inquiétant ne ressemblait en rien à celui, joyeux et lumineux, qu'il avait quitté. Il était midi ! Normalement, nobles, domestiques et invités se pressaient bruyamment pour aller manger en bavardant avec leurs amis. Mais le vieil homme sentit que quelque chose de plus profond avait changé : plus personne n'était heureux.

L'espion continua sa route dans les passages secrets du château, observant les couloirs toujours déserts, mais, plus il avançait, et plus il commençait à avoir des doutes sur son plan : pourrait-il vraiment trouver un de ses anciens fidèles et lui demander de lui rapporter son luminus enfermé dans la salle où Robin VII avait disparu afin de savoir ce qu'avait fait Noxara exactement ?

Un cri cruel le tira de ses pensées :

— Je t'avais demandé un poignard effilé, pas ce stupide morceau de métal inutile ! Idiote de domestique ! Puisque tu es une incapable, tu nettoieras les oubliettes pendant un mois, et tu seras fouettée !

— Je... je... je suis désolée, Monseigneur ! balbutia-t-elle en éclatant en sanglots.

— Je me fiche de tes excuses ! répliqua sèchement Noxara. Qu'on la fasse disparaître de ma vue !

Tristan entendit des cris de peur, de douleur, puis plus rien. Il commença à douter de pouvoir trouver quelqu'un qui lui soit resté fidèle, car, si tel était le prix à payer pour une si petite erreur, il n'imaginait même pas ce que pouvait coûter d'avoir soutenu l'empereur déchu.

Il continua tout de même à avancer prudemment, recherchant malgré tout une silhouette amie, mais il ne vit personne.

Soudain, il entendit des pas et des voix : la garde impériale ! Il s'enfuit, prenant garde à ne pas faire de bruit, mais il trébucha dans une marche. Les soldats de l'empereur l'avaient entendu, et ils le prirent en chasse.

— Un intrus ! cria un garde. Que quelqu'un aille prévenir l'Empereur ! Vous autres, suivez-moi ! Bloquez les sorties !

Il croisa le regard du capitaine.

— Tristan IV !

Le vieillard se mit à courir avec l'énergie du désespoir. Les gardes l'avaient repéré, mais, s'il arrivait avant eux au passage secret, il pourrait rentrer au monastère sain et sauf. Il ne lui restait plus qu'une dizaine de mètres à parcourir après ce tournant ! Plus que cinq mètres... trois... deux... un...

Il disparut dans le passage secret et referma la porte derrière lui juste avant que les gardes passent le coin du mur. Il était désormais en sécurité : ils ne le retrouveraient jamais !

Il continua pourtant à fendre l'air : il devait avertir le moine qu'il leur fallait partir de toute urgence avant que les gardes viennent les arrêter...

Les lumières du monastère apparurent enfin dans la nuit. Il était hors d'haleine et parvint seulement à dire au moine :

— Il faut partir ! Ils arrivent !

***

Dans la salle du trône, un garde s'agenouilla devant Noxara.

— Monseigneur ! Un intrus est entré au palais ! Je suis presque sûr d'avoir reconnu Tristan IV !

— Tristan IV ? Te moques-tu de moi ?

— Je vous jure que non, Votre Altesse !

— Très bien. Envoyez une patrouille au monastère, et ramenez-les pour interrogatoire. Tuez-les, s'ils résistent.

— Oui, Monseigneur ! À vos ordres !