— Mais lâchez-moi ! s'indigna Frère Albin. Vous me faites mal ! Vous n'avez pas le droit ! Savez-vous qui je suis ?
— Un prisonnier de l'Empereur, répondit fermement le soldat. Alors fermez-la !
Les portes du château de Noxara étaient là, devant eux, et trois gardes en armure les surveillaient. Quand ils approchèrent d'eux, l'une des sentinelles les héla :
— Qui va là ?
— Un prisonnier convoqué par l'Empereur, répliqua l'homme qui menait le religieux d'une poigne de fer sans cesser d'avancer.
On s'écarta sur leur passage sans faire de commentaire.
Le hall était sombre comme si la lumière des rayons du soleil ne parvenait plus jusqu'au sol. Son escorte l'entraîna dans une pièce plus petite habillée de briques noires et continua sa progression dans un dédale de couloirs avant de s'arrêter devant une grande porte d'ébène sous bonne garde.
— L'Empereur Noxara souhaite interroger ce prisonnier, déclara le soldat aux sentinelles, qui hochèrent la tête en s'écartant.
L'homme saisit alors le heurtoir doré et le cogna contre le battant.
— Entrez ! cingla une voix sèche.
Le garde ouvrit la porte et introduisit Frère Albin, qu'il agenouilla brutalement devant l'Empereur avant de s'incliner à son tour devant son maître.
— Le prisonnier que vous avez demandé, Votre Majesté, dit-il simplement avec humilité.
— Très bien, répondit froidement l'Empereur. Vous pouvez vous retirer.
Après un dernier salut, le soldat sortit en refermant la porte derrière lui, laissant le moine seul avec Noxara.
— Asseyez-vous, Frère Albin, proposa l'Empereur avec un sourire poli en désignant un banc faisant face au fauteuil impérial.
— Heu... merci, balbutia le religieux en se relevant avec précaution pour s'installer plus confortablement.
Il observa la pièce dans laquelle il se trouvait : elle était elle aussi habillée de briques noires et grises et formait un carré qui ne devait pas dépasser les cinq mètres de côté. Un petit faucon couleur charbon se tenait immobile dans une cage d'argent et fixait le prisonnier de son œil sombre et luisant.
— Alors, commença Noxara, comme ça, vous vous êtes introduit clandestinement au palais comme l'avait fait avant vous votre petit protégé ? Étrange, non ?
Frère Albin ne répondit pas. Il avait été capturé entre les murs et ne pouvait nier, mais il ne voulait pas faciliter l'entretien : il fallait gagner du temps.
— Vous me décevez, Frère Albin. Je vous avais confié une grande responsabilité. Veiller sur un ancien empereur est un honneur, mais aussi une mission importante. Vous deviez vous assurer de son bien-être et de sa sécurité, et vous avez encouragé ce vieil homme sénile à prendre des risques inconsidérés. Désormais, il est en train d'errer, à la merci d'on ne sait quel brigand ou accident.
— Je suis navré de vous avoir déçu, Votre Majesté, mais j'ignore où se trouve Tristan IV.
— Ne me prends pas pour un imbécile, moine, reprit Noxara sur un ton chargé de menace. Tu sais aussi bien que moi que vous êtes complices. Où se trouve-t-il ?
— Vous perdez votre temps à m'interroger, répondit avec sang-froid le vieux religieux. Je ne sais rien et ne vous dirai rien.
— Tu sais que mes bourreaux peuvent te faire souffrir terriblement, mais que je peux aussi faire de toi un homme riche, avec des serviteurs...
— Vous ne tirerez rien de moi, répéta fermement Frère Albin.
Noxara le fixa, impénétrable, puis lui sourit et sembla se radoucir :
— Parce que vous occupez une fonction importante dans notre communauté et que votre ordre a besoin de vous, je vais vous laisser une nuit pour réfléchir. Pendant ce temps, vous serez mon invité et pourrez goûter à ce que vous avez à gagner à vous montrer loyal envers la couronne et l'Empire d'Oragon.
L'Empereur fit tinter une clochette posée sur un guéridon d'or à sa droite, et un serviteur entra presque aussitôt dans la pièce.
— Je souhaiterais que tu installes notre hôte dans les plus beaux appartements du palais pour la nuit et qu'il bénéficie des soins les plus attentionnés de nos cuisiniers et serviteurs. Il faut qu'il puisse goûter à tous les charmes de la cour afin de savoir ce à quoi il renoncerait s'il refusait mon offre. Espérons que la raison et la reconnaissance lui reviendront d'ici demain.
Son sourire s'était figé, tout en dents, et il plantait dans les yeux de son prisonnier un regard de prédateur.
— À défaut, gronda-t-il sans cesser de sourire, nous emploierons la manière forte pour le ramener à plus de coopération...
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Le Démon aux yeux rouges - Tome 1 - Le Royaume des Glaces
FantasíaEvanna et Keros gagnent leur vie sur les chantiers depuis qu'ils sont orphelins et forcés de se débrouiller seuls, mais c'est une existence dure pour ces deux enfants, car Noxara règne en tyran sur l'Empire d'Oragon. Pourtant, ils vont bientôt se re...