Le Démon aux yeux rouges - Tome 1 - Le Royaume des Glaces

Chapitre 15 - Une idée

— Ouh-ouh ? Il y a quelqu'un ? cria Tristan.

— Ça sert à rien, lui dit Keros. Ça fait dix minutes que vous vous faites mal à la gorge pour rien. Il n'y a plus personne : il est parti !

— C'est bon, j'arrête ! râla le vieil empereur. Mais il nous a quand même sauvé la vie, et je voudrais le remercier !

Malgré lui, Keros se surprit à scruter lui aussi la sombre forêt. Leur sauveur allait leur manquer, si d'autres gardes patrouillaient dans les environs...

Il devait être au moins onze heures du soir, et ils n'avaient toujours pas mangé — son estomac le lui rappela douloureusement.

— J'ai faim, se plaignit-il. Ça fait trop longtemps que je n'ai rien mangé...

— Moi aussi, répondit son compagnon. Cherchons quelques baies...

— Bonne idée ! approuva Keros. Mais comment comptez-vous faire ? Il fait noir !

Le sourire tout en dents blanches de Tristan se dessina dans la pénombre, et ses mains se mirent à briller doucement. Le garçon s'apprêta à faire remarquer qu'il allait falloir plus que des vers luisants pour trouver des baies en pleine nuit, mais il ravala aussitôt sa moquerie en voyant s'illuminer partout autour d'eux de petits points rougeoyants.

Les baies des alentours étaient désormais très faciles à repérer, et les deux amis commencèrent alors leur cueillette avec enthousiasme. Ils trouvèrent cinq sortes de baies. Enfin six, mais ils avaient assez de problèmes comme ça pour ne pas ajouter en plus une intoxication alimentaire...

— Tiens ! dit Tristan en lui jetant une grosse baie violette. Elles sont délicieuses, celles-là !

— Merci ! répondit le garçon en lui tendant un fruit noir. Goûtez ça !

Tristan l'engloutit, fit la grimace et le recracha aussitôt.

— C'est écœurant, hein ?

Les deux amis rirent un peu, mais la pensée de la capture d'Evanna les rattrapa, et ils se turent.

***

— J'ai une idée, dit Evanna en regardant Darkalu. Je vais convaincre le garde que tu m'agresses pour qu'il soit forcé d'ouvrir et me sauver. Mais tu l'assommeras et récupéreras ses clefs et ses armes. Puis on libérera les autres et on sortira.

— Tu oublies quelque chose, petite, grogna le rebelle. Les gardes se moquent que les prisonniers meurent.

Evanna sourit mystérieusement.

— Sauf quand le prisonnier détient une information importante pour l'Empereur !

— Le garde va vouloir vérifier par le guichet de la porte avant d'ouvrir, répliqua encore le rebelle. C'est la procédure.

— Échangeons nos vêtements, proposa Frère Albin. Je ferai semblant d'attaquer Evanna. Je crois que ça peut marcher. Tu veux bien nous aider, Darkalu ?

***

— Monseigneur Noxara ? dit le garde en posant un genou à terre et en baissant les yeux.

— Quoi ? rétorqua sèchement l'Empereur.

— J'ai de mauvaises nouvelles, poursuivit le messager en se ratatinant davantage. Le corps de l'un de nos soldats a été retrouvé mort dans la forêt.

— Et alors ? soupira Noxara. Ce n'est qu'un soldat. Où est le problème ? Remplacez-le.

— Monseigneur, c'est l'un des gardes qui poursuivait Tristan IV, insista l'homme à terre.

Noxara se tourna enfin vers lui et le regarda, les yeux plissés.

— Il semblerait que notre vieillard sache se défendre... Nous allons prendre les mesures nécessaires, fulmina l'Empereur. Vous pouvez vous retirer, mais, avant, dites aux gardes de la prison de m'envoyer le moine qui s'occupait de Tristan IV !