Le Carnet

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C'était un de ces matins de printemps qu'on se plaît à imaginer : doux et ensoleillé. Amaey, installée depuis peu, avait refait à neuf son charmant appartement. À l'exception d'une pièce qu'il lui tardait d'aménager. C'était un espace restreint où le parquet massif apportait une atmosphère chaleureuse. Une fenêtre à guillotine blanche éclairait trois étagères encastrées dans un coin. De son point de vue, c'était à n'en pas douter le cocon idéal pour y installer bureau et bibliothèque.

Ce jour-là, elle peinait à déplacer un meuble qu'elle venait de monter seule. Tantôt elle poussait, tantôt elle tirait, forçant pour passer les rainures des lattes du plancher quand le craquement inhabituel d'une pièce de bois la stoppa. Un instant, elle craignit d'avoir abîmé le parquet auquel elle tenait tant par un geste malheureux. Ce bruit l'incita à examiner le plancher dès qu'elle eut libéré la zone. C'est là qu'elle remarqua que l'une des lattes restait flottante. La curiosité se chargea du reste. Elle souleva le morceau de bois, révélant un petit carnet à la couverture noire.

 Elle souleva le morceau de bois, révélant un petit carnet à la couverture noire

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Cette découverte ranima en elle des souvenirs d'enfance. Dans combien de films et de contes y avait-il des personnages qui, eux aussi, découvraient ce genre de cachette chez eux ? Combien de fois, alors qu'elle était enfant, avait-elle imaginé revivre leurs aventures ? À l'instar de ces héros, elle délaissa les plans d'aménagements qu'elle avait en tête et s'installa à même le sol, le livre à la main.

Elle observa un instant la couverture, la caressa du bout des doigts. C'était comme si elle venait de déterrer un trésor. L'excitation et l'appréhension se mêlaient en elle. Deux sensations bouillonnantes, envahissantes qui se heurtaient et s'opposaient l'une à l'autre, la faisant longuement hésiter. Allait-elle réellement ouvrir quelque chose qui n'était pas à elle ? Allait-elle céder à son envie d'en découvrir le contenu ? Finalement, le combat entre la raison et la curiosité fut rapide. Elle se décida. Elle voulait savoir.

Elle souleva délicatement la couverture. Une première page jaunie s'offrit à elle. Elle comportait une note manuscrite, en lettres calligraphiées.

L'opacité de l'encre, le délié des lettres laissaient supposer l'utilisation d'une plume et d'une encore de chine bon marché

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L'opacité de l'encre, le délié des lettres laissaient supposer l'utilisation d'une plume et d'une encore de chine bon marché. La personne qui avait écrit ces quelques mots y avait mis le plus grand soin.

Dans le coin inférieur droit était griffonné un prénom, celui d'un homme, et ce qui devait être son patronyme. « Thomas Vanderlen ». Était-ce un vieux journal intime, oublié là lors d'un précédent déménagement ? Elle amorça un mouvement pour refermer l'ouvrage et le reposer. Elle pouvait encore prétendre n'avoir rien vu. On ne lit pas le journal intime de quelqu'un d'autre.

Mais... Depuis combien de temps était-il là ? Combien d'années ? Ou de décennies ? Le prénom du propriétaire restait on ne peut plus commun à travers les générations. Difficile donc de s'en servir pour dater l'objet. Les pages, elles, ne semblaient plus de première fraîcheur : la première d'entre elles ainsi que la tranche, toutes deux jaunies, en attestaient. Si le temps avait pu faire son œuvre, quel mal y avait-il à contenter sa nature curieuse ? Après tout, il s'agissait d'un livre abandonné. Et quelle meilleure occasion d'arpenter des lignes dédiées à la solitude qu'en cet instant, alors qu'elle était elle-même seule ?

Elle tourna la page. À gauche, rien. À droite, plusieurs lignes d'une écriture fine et droite. Elle vérifia le reste en faisant voler les pages entre ses doigts ; si les premières d'entre elles étaient tout aussi soignées, les suivantes semblaient avoir été écrites dans la précipitation. En dehors de ça, le schéma restait identique : d'abord une date, seulement le jour et le mois, puis des paragraphes sobres, presque triste en regard du titre calligraphié. L'auteur n'avait, apparemment, pas voulu travailler autre chose que sa page de garde.

Elle revint au début du texte. Ses yeux se posèrent sur les premiers mots et elle commença à lire.

A la SolitudeWhere stories live. Discover now