30 Avril.

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Aujourd'hui, le soleil a percé à travers la fenêtre, créant un étrange halo lumineux dans ma petite chambre terne. J'ai, durant un moment, passé mes mains à travers, observant sa clarté sur ma peau. Je ne sais pas à quoi je m'attendais, mais je n'ai rien ressenti.

Dehors le ciel est bleu. Il n'a pas quitté cette teinte de la journée. Aucun nuage n'est venu tacher sa surface d'huile chaque fois que j'y ai porté les yeux. Plus nous avançons dans le printemps et plus la nature se réveille et s'éclaircit. Pourtant, moi, j'ai froid.

Mon regard s'est longtemps perdu dans le feuillage et les bourgeons naissants des arbres qui bordent l'avenue. Devant ma fenêtre et en bougeant juste un peu, je peux en voir trois. Trois grands arbres au tronc épais, recouverts de leur chapeau vert vif. Et puis, à la limite de mon angle de vue, j'ai remarqué une branche nue. Je ne sais pas pourquoi elle m'a autant interpellé. En me dévissant un peu le cou, j'ai pu observer cet autre arbre. Pas plus bas que les autres. Pas plus fin non plus. Mais totalement vide de feuilles. Et là, je me suis levé pour le voir mieux encore. Il n'avait pas l'air mort pourtant. Juste en retard, comme toujours endormi par un hiver qui durait encore pour lui. Enfin... c'est ce que je suppose. Saurais-tu deviner, toi, ce qui empêche un arbre parmi des dizaines d'autres de reprendre vie ? De se réveiller ? J'ai cherché une réponse, mais rien de ce qui m'est venu à l'esprit ne m'a vraiment satisfait.

Sans grande surprise, je suis resté la journée ici, dans ma petite chambre. Longtemps, j'ai persisté à trouver une réponse à une question qui n'en a peut-être pas.

Cela ne fait que trois jours que je n'ai pas remis un pied dehors ; pourtant j'ai l'impression que ça fait déjà une éternité. Aussi étrange que cela puisse paraître, j'arrive quand même à trouver un point positif à toute cette histoire, à tout ce temps passé reclus ici. Je n'ai plus à supporter le regard des autres ou, pire encore, leur façon détestable de faire comme s'ils ne me voyaient pas. Ils me donnent toujours l'impression d'être un fantôme. Comme beaucoup, je crois qu'il n'y a rien de pire que de se sentir seul lorsqu'on est entouré, mais personne ne se rend compte à quel point c'est douloureux. Personne ne peut savoir avant d'avoir ouvert les yeux. Dans ces moments, à l'extérieur, où je ne suis qu'un grain de poussière pour les autres, je me passerais très bien de ta présence goguenarde. Même en m'étant devenue indésirable, tu restes là ; tu me colles comme une sangsue, comme le poison que tu es, et tu me hurles, de ton cri silencieux, que je ne suis rien et que je suis devenu aussi invisible que toi.

À l'appartement, au moins, il n'y a pas le choix. Je ne peux être vu ou jugé car il n'y a personne. Exceptée toi. Toi et moi, enfermés entre quatre murs et dans un silence que seuls les bruits extérieurs tentent de rompre de temps à autre.

Je dois t'avouer une dernière chose. Au départ, je ne voulais pas t'écrire. Je voulais te prouver que j'étais capable de te tenir tête durant l'absence de ma mère. Sauf que... j'ai commencé à parler tout seul. À te parler, je veux dire. Et ça, c'est hors de question. Je ne dois pas céder. Ce n'est plus une question de secret. J'ai la sensation que te parler à voix haute serait te donner encore plus de force, de présence. Je refuse de te laisser gagner plus de terrain que tu n'en as déjà.

A la SolitudeWhere stories live. Discover now