Je n'ai pas grand-chose à faire en ce moment. Encore moins aujourd'hui. Nous sommes dimanche et le ciel pleure. Je ne sais pas qui de la pluie ou des cloches de l'église m'a tiré de mon sommeil sans rêve ce matin. Je suis resté un moment étendu, le regard fixé au plafond. Et je sais que tu étais déjà présente, debout dans un coin de la chambre. Tu me rends visite de plus en plus tôt. Ça ne me gêne pas ; nous passerons la journée ensemble, dans le calme.
Tu sais, j'ai quand même besoin de trouver une occupation, sans quoi j'ai l'impression de flotter hors du temps. Je m'assois au bord de mon lit, sans rien faire. J'en viens à entendre le tic tac incessant de ma montre ; c'est ce qui me rappelle de temps à autre que les heures courent toujours, avant que mon esprit ne s'échappe à nouveau.
Il y a bien une chose que j'aime faire quand mes jours sont trop calmes. Regarder les arbres par la fenêtre. As-tu déjà pris le temps d'observer ? De te perdre dans l'entrelacement des branches ? J'ai la sensation que c'est le genre de chose qu'on ne peut faire que lorsqu'on n'a rien que nous encombre l'esprit. Rien, ni personne. Alors il serait triste que la Solitude elle-même n'ait pu en profiter. J'espère, je suis sûr que tu comprends ce qui me plaît tant là-dedans. Observer les méandres du bois est comme une méditation, une chose qui capte notre attention et dont l'overdose n'arrive jamais.
C'est comme les étoiles... Je ne t'ai encore jamais parlé d'elles et pourtant tu m'as déjà tenu compagnie, dans le silence, alors que mes yeux étaient fixés sur ces points lumineux. Depuis ma plus tendre enfance, j'aime les observer chaque fois que je ne trouve pas le sommeil. Déjà à cette époque, je me plaisais à imaginer qu'elles conversaient entre elles, nous ignorant volontairement. Les étoiles aiment être le centre de l'attention. Elles brillent dans l'obscurité, se montrant sous leur meilleur éclat. On s'émerveille souvent sous la voûte qu'elles forment, et c'est vrai qu'elles apportent une sorte de calme, mais réchauffent-elles vraiment le cœur de l'esseulé ? Je crois que non. Les étoiles sont des beautés froides ; c'est pour cela que la nuit leur va si bien.
Elles sont aussi comme les gens dehors : constantes dans leur dédain. Avec elles, je sais à quoi m'attendre.
C'est un peu pareil avec toi, Solitude ; notre relation a toujours été la même. Aucun remous. Aucune vague. Quel que fut mon état lorsque tu me rends visite, tu finis toujours par me couvrir de ta cape. Tu me vides que toutes émotions. Je ne suis pas plus heureux qu'avant, mais au moins je ne suis plus triste. Je ne sais pas si c'est une bénédiction. Je ne sais pas si je dois te remercier. Au final, à quoi cela rime-t-il ? Je suis ailleurs. Simplement ailleurs. Dans une bulle où absolument rien ne filtre. Suis-je même vivant ? J'hésite, parce qu'avec toi, je suis un peu comme le pantin à côté de Pinocchio. Celui que la fée bleue n'a pas choisi. Celui qui restera à jamais le regard vague, la bouche close, perdu dans le vide et l'oubli.
Oui, c'est vrai, tu es toujours là. Tu ne manques aucun de nos rendez-vous, mais... Regarde le prix qu'il me faut payer pour cela. Je n'existe pour personne d'autres que toi.
Et pourtant... Je ne peux t'en vouloir car tu es ma seule amie.

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A la Solitude
ContoAlors qu'elle vient d'emménager dans son tout nouvel appartement, Amaey découvre un petit carnet noir. Elle ne sait ni de quand il date ni ce qu'est devenu l'auteur. Tout ce qui est sûr, c'est qu'il avait énormément de chose à confier à la Solitude.