20 Décembre.

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 « C'est triste ici. »

Ma mère et moi étions dans le salon, installés dans les fauteuils et le silence, lorsqu'elle a levé les yeux sur les murs de la pièce et a prononcé ces quelques mots. Très simplement. Dans une naïve constatation. Je lui aurais certainement répondu que j'étais d'accord avec elle si seulement je n'avais pas su qu'elle faisait juste allusion à l'absence de décorations à quatre jours du réveillon. Nos vies, bâties sur des mensonges à nous-mêmes, ne sont-elles pas plus tristes qu'un pan de mur blanc ?

À mon tour, j'ai regardé le mur – peut-être l'as-tu également fait – puis j'ai haussé les épaules. Vraiment, quelle importance cela peut-il avoir ? Cela ne ferait qu'un faux semblant de plus. Quel est donc l'intérêt de plonger nos corps dans l'univers des fêtes quand l'esprit n'y est pas ?

Alors pourquoi ? Pourquoi, dès l'instant où ma mère eut passé le palier de la porte, disparaissant dans la rue, suis-je parti en quête des cartons renfermant toutes les babioles de Noël ? Je crois que l'image d'un sourire fugace m'a effleurée. Celui de ma mère. Je me suis imaginé que revenir et découvrir l'appartement décoré l'aurait rendue heureuse. On est prêt à tout pour un peu de bonheur, aussi factice fût-il. À défaut de le créer pour moi, peut-être cela aura plus d'effet sur ma mère.

Les décorations se sont donc invitées dans le salon. J'ai d'abord extirpé le sapin synthétique de son long carton. Il vieillit mal, mais fait encore l'affaire. J'y ai suspendu luminaires, guirlandes et boules, dans cet ordre précis, comme le veut la tradition familiale. Lorsque j'étais petit, c'était un événement. En tout cas, mes parents faisaient en sorte que ça en devienne un. Mon père m'appelait toujours pour que je pose moi-même l'étoile au sommet. C'était mon rôle, et il me félicitait chaque fois d'un « C'est parfait, bonhomme », comme si la réussite des fêtes avait dépendu de ce foutu astre. Je ne sais pas à quoi je m'attendais en m'en saisissant aujourd'hui, mais pas à ce froid. J'ai repensé à la remarque de ma mère. C'est triste ici. J'ai installé l'étoile à sa place et ne l'ai plus regardée. Tu sais, Solitude, parfois tu fais vraiment mal. Tu me rappelles que si tu es si présente, c'est aussi parce que d'autres ne sont plus là pour me tenir compagnie. Je ne peux plus les voir.

J'ai rapidement fini ma tâche, époussetant quelques bibelots et les disposant dans la pièce. Une boule à neige enfermant une patinoire. Une scène musicale, muette pour le moment, où un père Noël fumait la pipe tout en lisant le journal dans son fauteuil vert. Quatre bougeoirs rouge et or. Et quelques autres babioles. J'ai rangé les cartons, puis suis parti me cloîtrer dans ma chambre avec le besoin dévorant de t'écrire. Au final, j'avais raison. Ce n'est pas la présence d'un mur blanc qui faisait une différence. C'est toujours triste ici.

A la SolitudeWhere stories live. Discover now