L'hiver est à nos portes. Sur la place, des dizaines de petits chalets rouges ont poussé et se sont remplis de bric-à-brac à offrir ou de nourriture. La ville s'est illuminée de décors kitsch à l'effigie de sapins, d'étoiles filantes, de boules de Noël. Le message « Joyeuses fêtes » s'affiche un peu partout : au dessus de la voirie, sur le panneau d'affichage électronique de la ville, chez les commerçants du coin. Et pourtant rien n'a changé. Toutes ces décorations ne sont que des faux-semblants. Les gens courent toujours après le temps, la tête enfouie dans leurs écharpes et sous leurs bonnets, les yeux toujours rivés au sol. Ne pas croiser le regard d'un autre. Surtout pas. C'est ce que leurs comportements, leurs postures hurlent pour eux.
C'est toujours le même manège, mais il me semble encore plus douloureux. On dit que c'est une époque magique, propice à la solidarité, à l'échange, à la joie... Ce « on » a certainement oublié de mettre le nez dehors. L'écart avec la réalité y est d'autant plus frappant. Je suis happé par le froid. Le froid de la ville et le froid des gens.
Ils sont peut-être encore plus seul que moi, mais ils n'ont même pas le temps de s'en rendre compte. Vraiment rien ne change. C'est d'un triste... Et je suis là, immobile, assis sur un banc, observant cette marée humaine qui ne connaît pas plus que moi la sensation d'être vivant.
Je n'aime pas cette période, mais je pense que tu t'en doutes déjà. Le Soleil rétracte ses rayons, gelant les terres et les cœurs. Peu à peu le monde se met à me ressembler ; il tourne au ralenti puis s'endort. Cette léthargie est bien trop en phase avec mes démons. Je redoute toujours l'arrivée de l'hiver.
Si je te parle de ça aujourd'hui, c'est aussi parce que je sais que tout est très différent pour toi. J'ai eu l'impression de t'apercevoir, le temps d'une seconde, alors que l'air qui s'échappait de mes lèvres formait un écran brumeux devant mes yeux. Ça m'a collé un frisson. Tu étais là, debout, immense, observant la foule d'esseulés. Et, j'en suis certain, tu jubilais. Tant d'âmes perdues prêtes à s'ouvrir à toi. Combien de personnes as-tu, ce jour, ajouté à ton tableau de chasse ? Et moi, au final ? Suis-je ton ami ou ta proie ?
J'en viens à espérer être l'exception. Je ne t'ai jamais senti malveillante jusqu'à maintenant, et certainement pas le jour où tu m'as tendu la main. M'as-tu montré ton vrai visage ce jour-là ? Ou portais-tu un masque ? Avais-tu seulement envisagé qu'aujourd'hui, je te verrai comme je t'ai vu, t'oubliant à tes sombres désirs ?

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A la Solitude
Short StoryAlors qu'elle vient d'emménager dans son tout nouvel appartement, Amaey découvre un petit carnet noir. Elle ne sait ni de quand il date ni ce qu'est devenu l'auteur. Tout ce qui est sûr, c'est qu'il avait énormément de chose à confier à la Solitude.