Five Years T.1 : Inside [Livaï x OC]

#28 Le contact officieux

「Waltraud」

L'entrevue s'est déroulée à l'instar des précédentes, brève et sans mise de gants. Les yeux et les oreilles du Roi sont omniprésents, à croire qu'ils ont la capacité de traverser les murs... Deux explorateurs accusés d'actes de rébellions envers la commission d'enquête. Soit deux de plus qui descendent aux cachots. Malgré mes arguments de poids sur le traitement infligé sur nos hommes, les preuves de leur tentative d'évasion sont accablantes. Ces imbéciles... Où iraient-ils ? Sans notre équipement, nous sommes des brebis galeuses lâchées dans la clairière aux loups. Les remparts du château ne sont pas différents des Murs. La cage a simplement rétréci.

Peu remontent de cet escalier où même la lumière ne s'y risque. Une bouche qui dévore certains et recrache les autres. Nous ne parlons pas de ces disparitions, trop conscients de ce qui s'y trame. Ceux qui en reviennent sont à jamais changés. Le regard vide, une expression lugubre hante leurs visages. Livaï a raison. Je suis vraiment une idiote pour continuer à tenir mon rôle de garante. Un investissement qui n'apporte rien à personne. Mis à part peut-être servir à entretenir l'illusion d'avoir encore un contrôle sur la situation désastreuse de notre quarantaine. J'ai dépensé mon énergie en pure perte...

Non ! Il se trompe, mais ce regimbeur refuse de l'admettre. Si je m'impose aujourd'hui comme principale représentante et référente des nôtres, c'est dans un but beaucoup moins reluisant qu'en surface. En effet, ma position me donne accès à certaines informations par un habile art de la conversation que notre régent, notre cher caporal-chef, ne possède guère. Erwin a vraiment pensé à tout, en rédigeant un document officiel qui le désigne comme tel. Je me suis donc jetée dans la gueule du loup, et cela m'a étonnamment réussi. C'est ainsi que nous avons pu apprendre que la date du Conseil a été avancée d'une semaine. Depuis, Livaï s'est enfermé dans le bureau de l'ancien commandant, maintenant le sien. Dans quelques heures, il nous restera très exactement quinze jours pour parvenir à passer la porte de Rose puis Sina, Mur réputé infranchissable, et agir.

Quand j'entre, Livaï est assis de dos, affalé sur son travail. Même après sa promotion, il a refusé de prendre la place de son prédécesseur. Il l'a accueilli dans cette pièce où ils ont longuement débattu sur l'avenir du Bataillon, alors riche de promesses.

Je referme la porte sans la claquer avant d'effleurer son épaule. Il ne réagit pas à ce geste devenu familier. Observatrice, je remarque sa barbe de trois jours. Une catastrophe. Cela ne lui va pas du tout. Semée de façon aléatoire, la mauvaise herbe a poussé en soulevant les pavés de sa négligence. Les extrémités de mes doigts remontent sa clavicule, empruntent le tronc de son cou pour noter l'étendue du désastre.

Soudain, sa main agrippe mon bras. J'abandonne son cuir chevelu et me focalise sur la chaleur de sa poigne écrasante. Il ne mesure plus sa force. Que puis-je faire pour lui... ? Diable, pourquoi ne partage-t-il pas le poids de son fardeau ?