PROLOGUE

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Le paysage défilait à travers la vitre arrière d'une voiture surchargée. Le jeune occupant de la banquette arrière laissait ses yeux regarder l'extérieur sans s'arrêter sur aucun élément en particulier, son regard était vide. Il essayait de se vider la tête et de ne plus penser à rien, et quoi de mieux pour y parvenir qu'un long trajet en voiture.

Les parents du jeune homme discutaient à l'avant, par-dessus la radio, ce qui créait un bruit de fond incompréhensible aux oreilles du dernier occupant de la voiture. Comme s'il était sourd, aveugle et muet. Il ne sentait que le cuir des sièges et la laine posée dessus pour les protéger soit disant, mais qui le grattait inlassablement.

Le voyage s'éternisait, et le garçon assis à l'arrière donnait l'impression d'être rentré dans une sorte de transe, les yeux fermés, le souffle profond, les battements de cœur ralentis au maximum. Il se sentait sortir de son corps en quelque sorte. Jusqu'à ce qu'un virage imprévu et un violent coup de frein ne le sorte de sa rêverie.

-On est enfin arrivés, mon bébé ! dit la femme à l'avant. Regarde ce soleil et ce magnifique ciel bleu, je sens qu'on sera bien ici.

Les deux adultes descendirent de la voiture d'un seul et même élan. Le père s'étira de manière exagérée face à la plage et au soleil qui commençait tout doucement à plonger, tandis que la mère s'était de suite dirigée vers l'entrée de leur nouvelle maison. Le dernier membre de la famille finit également par sortir de la voiture. Il regarda quelques instants le sol, pour ne pas être ébloui, et pour faire passer cette sensation d'engourdissement dans ses jambes. Il se retourna vers son nouveau ''chez lui'', et resta planté devant comme un piquet pendant de longues minutes, sans remarquer l'effervescence que dégageaient ses parents, tout excités à déballer tous les cartons apportés par les déménageurs quelques jours plus tôt.

La bâtisse était assez grande, avec une façade blanche qui reluisait avec les rayons du soleil qui arrivaient perpendiculairement à celle-ci. Le nouvel habitant se disait qu'il risquait de se perdre dans ce pavillon, presque deux fois plus grand que leur ancienne maison. Il tourna la tête de gauche à droite : la maison était mitoyenne. Cela ne le dérangeait pas, tant qu'il pouvait profiter du jardin dont ses parents lui avaient parlé. En prenant une grande inspiration, il réfléchit à combien ce déménagement avait dû coûter à ses parents. Il se mordit la lèvre, pris d'un sentiment de culpabilité étouffant. Mais, bien qu'il ne fût pas au courant, le prix de son nouveau foyer était très abordable.

En effet, la proximité avec la plage était un atout et un inconvénient pour toutes ces habitations : leur prix avait chuté quand la clientèle immobilière avait eu peur que les terrains ne deviennent submersibles et donc interdits à la construction et à l'habitation, les rendant sans valeur.

Un grand bruit venant de l'intérieur ramena le jeune homme à la réalité. Il se dépêcha dans l'entrée pour y trouver son père à plat ventre sur le sol en carrelage, avec le coffret du service à thé de son arrière grand-mère dans ses mains, le retenant de justesse. Il pouffa légèrement, avant de venir en aide au quadragénaire, très fier de sa performance salutaire.

-En attendant que ta mère essaie de casser d'autres trésors familiaux, dit-il, la concernée levant les yeux au ciel, tu devrais aller t'occuper de tes cartons dans ta chambre. On a une semaine pour tout déballer avant la rentrée, Jeno.

My Sweet FutureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant