CHAPITRE 19

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Le temps s'était comme arrêté durant quelques secondes. L'élève qui avait ouvert la bouche s'était tranquillement rassis sur sa chaise, l'air de rien après avoir craché son venin. En effet, la parole de Soojin avait beaucoup d'influence au lycée. Ceux qui ne l'appréciaient pas étaient en grande majorité ceux qui passaient dans les couloirs comme des fantômes. Sa présence faisait loi entre ces murs, bien que même ses ''amis'' la trouvaient de temps à autre insupportable. Mais comment évoluer autrement quand on a eu une éducation à la Dudley dans Harry Potter, dirons-nous.

Heureusement, Jaemin gagna un peu de répit. Le professeur venait d'arriver en trombe dans la classe. Au retour des vacances, il préférait arriver plus tôt pour remettre de l'ordre dans son porte-documents, et tout simplement retrouver le rythme.

Les derniers élèves arrivèrent cinq minutes avant la sonnerie, et Jeno arriva juste avant que le professeur Tae-yong ne ferme la porte. Son retard était inhabituel, pensa Jaemin en le voyant s'approcher pour prendre sa place assignée depuis le début de l'année.

Le châtain aurait pu profiter de son sursis, mais il passa les deux heures de cours à paniquer sur ce qui allait arriver quand la sonnerie retentirait. Son cœur lui faisait mal à force de tambouriner contre sa cage thoracique, comme un forcené contre les grilles de sa prison. Il appréhendait la réaction de son voisin de table, à tel point que sa concentration l'avait déserté. Il ne pouvait pas accepter que tous ses efforts tombent à l'eau. Il avait compris que pour plaire à Jeno, il lui fallait du temps, beaucoup de temps en raison de son absence de sociabilité. Mais s'il apprenait ses sentiments par les autres élèves, qui le lui diraient comme une mauvaise blague, alors tout était fini. Toutes ses heures passées à faire les exercices les plus sadiques inventés par Donghyuck pour lui faire perdre ses petits kilos en trop, tout en se retenant de ne pas simplement l'envoyer balader lui et son satané régime sain... perdues ? Impossible.

Seulement, à son plus grand regret, le professeur d'histoire ne semblait pas vouloir poursuivre son cours, et donc, il a dû, tout comme ses camarades, aller à la salle de cours suivante. Et c'est ainsi que l'expression des bruits de couloir prit tout son sens. De ce fait, avant la fin de l'heure du déjeuner, quasiment toutes les terminales étaient au courant qu'une nouvelle victime était apparue pour égayer leur journée. Les regards dégoûtés et les insultes ne tardèrent pas à fuser. Et alors ce qui devait arriver arriva. Jaemin se sentit comme aspiré de l'intérieur lorsqu'il vit la mine confuse de Jeno lorsqu'il comprit ce qu'il se disait sur le châtain. Il sembla encore plus perdu quand il assimila le fait qu'on parlait aussi de lui. Jaemin voulut le convaincre que ce n'était rien, mais au fond de lui il savait que tout allait se jouer dans les mots qu'ils s'échangeraient là, maintenant, encore un instant sans personne le montrant du doigt.

-Je suis si désolé... mais ce n'est rien... j-je, je ne te demande rien tout de suite...

-Ecoute moi, tenta d'interrompre Jeno, je voudrais juste réfléchir un peu, je peux pas faire autrement...

-Je voulais pas que ça se passe comme ça... continua Jaemin la voix tremblante mais toujours en retenant ses larmes, ça devait pas se passer comme ça... ça devait pas arriver comme ça... je savais qu'il fallait plus de temps... plus de temps...

-Je suis désolé, j-je... il faut que je réfléchisse à ce que je r-... r-ressens... non, j'y arriverai pas... je suis désolé... on devrait arrêter les révisions ensemble juste...

-Quoi ... ?

-Je veux juste... il me faut juste... plus de temps... j'ai pas eu assez de... de temps...

Les deux garçons se regardèrent droit dans les yeux pendant de longues secondes. Ils se retrouvaient emportés dans une avalanche et étaient encore malheureusement trop loin l'un de l'autre pour se tendre la main en toute sûreté. La sonnerie se chargea de les séparer. Jaemin hocha la tête, le regard dans le vide, les derniers mots du noiraud en tête. Ils durent se précipiter vers leur prochaine salle de cours à contrecœur. Durant le trajet, le flot d'élèves qui arrivait à contresens ne personnifiait que trop bien leurs émotions qui les noyaient petit à petit, leurs courants étant trop forts.

My Sweet FutureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant