Chapitre 9

106 8 0
                                    

Nous trouvons l'oiseau la nuit suivante, alors que nous nous apprêtons à entrer dans la maison par la fenêtre de la cuisine. Il est tombé tout près de grandes poubelles noires, pas loin de la porte arrière du jardin, fermée à clé ; l'une de ses ailes pend bizarrement de son corps, et une entaille est visible en son centre. Malgré tout, il respire toujours, et son petit corps est tout chaud sous les plumes. Une fois que Camila l'a ramassé, nous restons un bon moment sans savoir quoi en faire. Finalement, j'enlève mon sweat-shirt à capuche et nous l'enveloppons délicatement à l'intérieur.

- Allons le cacher quelque part, dis-je. Mais il faut faire vite.

Nous inspectons la cuisine à toute allure, et Camila finit par trouver une vieille boîte de nourriture que nous transformons en lit. Puis je trempe du pain dans du lait, dans une coupelle, et j'en remplis une deuxième d'eau. Nous emportons le tout.

Le manoir est toujours calme et silencieux, et nous, nous errons dans les couloirs jusqu'à ce que nous trouvions une pièce vide, à l'écart ; elle contient un placard vétuste, plaqué contre un mur. Nous posons la boîte à l'intérieur et Camila essuie soigneusement l'entaille de l'oiseau avant de le mettre dedans.

- C'est un bébé, déclare-t-elle en prenant un tout petit bout de pain trempé qu'elle approche de son bec pour le stimuler. Le pauvre !

- Il est sans doute sous le choc, dis-je. Si on le laisse tranquille, il va se calmer. Au moins, ici il est au chaud.

- Ne t'inquiète pas, petit oiseau, roucoule doucement Camila. On va te guérir et tu retrouveras ta mère.

Elle fait une pause.

- Espérons que c'est une meilleure mère que les nôtres, ajoute-t-elle.

Puis elle lève les yeux vers moi et remarque immédiatement ma confusion.

- Harriet m'a dit que ta mère était une... salope.

Je hausse les épaules, gênée. Je ne veux pas parler de ça. Je n'imaginais pas que les autres accordaient encore de l'importance aux conversations qu'on a pu avoir, les premiers temps, après notre arrivée. Néanmoins, la remarque de Camila prouve qu'elle a interrogé Harriet à mon sujet, et ça me fait chaud au cœur.

- Comment va-t-on l'appeler ? demande Camila alors que nous refermons le placard à regret et que nous nous relevons.

- Choisis ! Il n'est pas non plus exclu que ce soit une femelle.

- Alors ce sera Georgie ! décrète Camila. Ça marche pour les deux sexes. Il faut qu'on vienne le voir à tour de rôle, dans la matinée, d'accord ?

J'avais presque oublié Ty et la vaisselle... Je ressens immédiatement un élan de jalousie et puis je me rappelle vite qu'il ne partage ni le bateau, ni l'oiseau, ni la grotte avec Camila.

- OK.

- Très bien, alors à demain.

Elle me sourit, puis noue ses bras autour de mon cou avant de planter un baiser sur ma bouche. Elle pivote ensuite sur ses talons et sort de la pièce pour rejoindre son dortoir. J'en reste immobile et haletante, aussi abasourdie que l'oiseau enveloppé dans mon sweat-shirt. Mes lèvres vibrent encore du contact des siennes, ma tête m'élance. Elle m'a embrassé.

Au moment où je me mets au lit, j'ai fini par me convaincre que je suis stupide et que ce baiser ne signifie rien. En fait, on ne s'est pas emballées, c'était juste amical... Enfin... elle m'a tout de même embrassé, et cette pensée est suffisante pour maintenir la peur à distance lorsque la toux sèche de Joe perce le silence de l'aube.

Les confinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant