Chapitre 24

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J'aperçois la petite flamme de la bougie alors même que je cours sur la plage, le sable mouillé et les galets crissant sous mes pieds. La mer bruit quand elle vient lécher la terre, et j'ai la sensation qu'elle m'applaudit. Je suis toute essoufflée lorsque j'arrive à l'entrée de la grotte.

- Tu ne m'as pas réveillé, dis-je, un grand sourire aux lèvres. C'est notre dernière nuit et tu ne m'as pas réveillé ?

- Lauren ? s'écrie-t-elle en levant les yeux vers moi.

Elle était perdue dans ses pensées, et maintenant, elle braque sur moi un regard atterré.

- Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu devrais être en train d'attendre le bateau. Retourne là-bas ! (Elle se lève, furieuse et bouleversée.) Tu ne peux pas rester là !

- Dinah est là-bas. Et je peux tout à fait être ici. Ma place est ici.

- Non, tu ne peux pas, répète-t-elle. Je ne veux pas que...

Je l'enlace et l'embrasse, la forçant à se tenir tranquille, et je me fiche qu'elle ait un goût étrange, celui de la maladie. Elle est Camila et je l'aime. Elle et moi et je suis elle. Rien ne peut désormais nous séparer.

- Mon désir est d'être près de toi.

- Je suis désolée, marmonne-t-elle.

Sa colère est passée, mais elle semble triste.

- Pourquoi ?

Alors elle recule de quelques pas et soulève son haut. Tout son corps est recouvert de taches brunes. L'hématome que j'avais vu sur sa hanche devait être le début. Sa belle peau d'or a disparu.

Je me penche vers elle et lui embrasse doucement le nombril. Je ne lui en veux pas de ne m'avoir rien dit pour sa maladie. Moi non plus je ne lui ai pas révélé mon secret. Et maintenant, la lettre est dans la poche de Dinah. Le dernier paragraphe. La dernière phrase :

En conclusion, les tests indiquent qu'aucune de ces deux patientes n'est porteuses du gène de la maladie et que les résultats originaux ont dû être contaminés par d'autres échantillons. Ce sont deux sujets immunisés et en parfaite santé.

Il est préférable de ne pas partager certains secrets. De toute façon, ça n'a plus d'importance. J'ai fait mon choix. J'ai choisi Camila.

- Je ne retournerai pas au manoir, dit-elle simplement. Je ne veux pas aller au sanatorium.

- Je m'en doute.

Je m'assieds sur les galets et elle prend place près de moi.

- Moi non plus je n'y retournerai pas.

- Ecoute, si tu te dépêches, tu peux attraper le bateau, affirme-t-elle. T'as encore le temps.

Je lui souris et secoue la tête. Je ne partirai pas avec Dinah. Et je ne reviendrai pas non plus au manoir. Ma place est ici.

- Je préfère rester avec toi.

Je contrôle désormais ma propre destinée, et elle consiste à demeurer auprès d'elle. Il en a toujours été ainsi.

- Mais tu ne comprends pas que..., commence-t-elle.

- Si, je comprends, dis-je en repoussant une mèche de sa belle chevelure qui est tombée sur ses yeux. Ensemble pour toujours.

Ces mots devraient peser très lourds, mais en réalité, ils sont aussi légers que des flocons de neige sur ma langue. C'est peut-être le cas quand on prononce les paroles qu'il faut.

Les confinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant