Laëna décida d'accompagner Denwall. Eòghan avait laissé au jeune homme une semaine pour récupérer son âme, et cela ne faisait que trois jours qu'il avait pénétré dans la citadelle. Sans la jeune fille, le guerrier ne pourrait jamais retrouver le korrigan.
Après être passés par sa chambre d'auberge pour récupérer ses quelques affaires, les deux amis se mirent en route vers l'Est.
Cela surprit Denwall:
— Vers l'Est? Mais je suis venu par le Sud... On va dans la mauvaise direction!
— Ne t'inquiètes pas, je sais où je vais, répondit Laëna. Tu crois qu'Eòghan se plait à rester en permanence au même endroit? Si tu n'était passé dans la lande qu'un seul jour après celui où tu l'as rencontré, tu n'aurais trouvé que de la bruyère et des rochers couverts de mousse...
Pendant une journée entière, Denwall et Laëna gravirent les montagnes, franchirent le cols et les vallées. Le soir, ils arrivèrent sur un plateau montagneux, identique à la lande sur laquelle le jeune homme avait fait la rencontre du korrigan. Ici aussi, la brume s'était installée, à croire qu'elle allait de paire avec les créatures landicoles.
Au détour d'un grand cairn, une ombre sortit du brouillard. Eòghan.
— La semaine n'est pas passée, humain. As-tu abandonné?, lança-t-il d'une voix sarcastique.
Le korrigan remarqua alors la présence de Laëna, qui se tenait derrière Denwall. Le nain était incapable de distinguer le visage de la fille, avec le brouillard.
— Et tu as emmené quelqu'un... Tu avais peur d'être seul?, dit-il en ricanant. Approche, humain!
La fille de Keridwenn s'approcha d'Eòghan, et lui sourit. Les traits de son visages humain étaient très similaires à ceux de sa mère, et le korrigan, quand il la vit, un doute courut sur son visage.
Pendant de longues secondes, il resta de marbre, à fixer la jeune fille.
Puis peu à peu son expression changea. Dans ses yeux, on put lire successivement l'incertitude, l'incrédulité, et enfin une étincelle de joie s'alluma. On aurait qu'il peinait à croire ce qu'il voyait.
Comprenant la méprise du korrigan, Laëna le détrompa:
— Je suis Laëna, fille de Keridwenn.
L'étincelle, immédiatement, disparut.
— Pourquoi viens-tu me narguer jusqu'ici? Qu'as-tu donc à me demander? C'est le maître de l'univers qui t'envoie?, lança Eòghan d'un ton caustique.
Laëna se contenta de sourire, comprenant la colère de la petite créature.
Denwall sortit alors une petite boite de sa poche, et la remit au korrigan. Sans comprendre, celui-ci regarda le jeune homme d'un air sceptique et méfiant.
Il ne pouvait imaginer qu'il s'agisse de son âme; il avait tellement de fois envoyer un voyageur dans cette ville, et autant de fois les voyageurs étaient revenus bredouilles, ou n'étaient juste pas revenu. Et, surtout, le korrigan était persuadé que ce n'était pas son âme qui lui avait été enlevé, mais son cœur.
Il ouvrit la boite. De l'intérieur s'échappa une douce lumière rougeâtre. Naquit alors la surprise sur le visage grossier du nain.
— Qu'est-ce donc?
— Ce que tu croyais perdu à jamais, Eòghan. Ce n'est pas ton cœur, que Keridwenn t'as enlevé; c'est ton âme.
L'espoir se dessina peu à peu sur les traits du korrigan. De sa main gauche, il prit ce qui symbolisait un amour profond mais interdit. Le petite sphère s'intégra doucement dans sa paume, on aurait presque pu la voir remonter le long de son bras, jusqu'à son cœur.
Ses yeux s'illuminèrent, et de sa gorge s'échappa un profond cris de joie. C'était de la joie pure, une joie indescriptible que seuls ceux qui ont vraiment aimé peuvent ressentir, une joie si profonde qu'elle en était indescriptible. Tout son corps semblait rayonner, être en extase.
Pendant quelques seconde, Eòghan resta immobile, les yeux fermés, semblant savourer la réunion avec ses anciens sentiments.
Après une profonde inspiration, il s'adressa à Denwall:
— Tout ce que je peux te donner ne sera pas à la hauteur de la gratitude que j'éprouve pour toi, humain. Demande, et tu auras. J'ignore comment tu as fait pour réussir cette quête que je t'avais confié, je n'avais absolument pas foi en toi. J'aimerais que pour cela, tu acceptes mes plus grandes excuses. Comment pourrais-je te satisfaire?
— J'aimerai juste achever ma quête, et retourner dans mon village, Maître Eòghan. Cela fait de longs mois que je l'ai quitté... Lorsque j'y serai de retour, la Déesse Keridwenn m'a donné une autre mission.
— Je pourrais accomplir cette mission à ta place, si tu le désir.
— Non, je vous remercie, c'est à moi de le faire. C'est quelque chose d'une grande sagesse, je tiens à l'accomplir moi-même.
— Je comprends. Alors, laisse-moi au moins t'aider à achever ta présente quête...
Denwall se souvint alors de ce qu'il avait dit au korrigan, quant à la raison de sa présence si loin de chez lui: « Je combat le mal qui s'est abattu sur notre monde — Et quel est ce mal dont tu parles, voyageur? — La destruction et la colère, la haine et la peur. »
Alors qu'en réalité il devait combattre Garwvyr, Denwall avait menti au korrigan pour qu'il accepte de l'aider.
Pouvait-il à présent lui révéler la vérité?
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Les Larmes de Cristal
Short Story« La légende des Larmes de Cristal retrace l'épopée de Denwall, un jeune homme parti à la recherche de sa fiancée disparue, Aëla. Il rencontrera durant sa quête des créatures légendaires, manquera de mourir mille fois, sera tenté d'abandonner. Parvi...