Les Larmes de Cristal

XIX. Solution et enfer

La traque de Garwvyr recommença. Mais tout en cherchant la créature, Denwall réfléchissait. Car il ne devait pas tuer Garwvyr; il l'avait promis à Eòghan. Alors, comment pouvait-il faire?

Il se questionnait aussi sur la mystérieuse disparition de Laëna. Elle l'avait accompagné jusqu'ici, pourquoi l'abandonner à ce moment précis? Tout cela était-il prémédité?

La solution s'imposa alors dans son esprit:

Il n'avait plus d'âme. Il était immortel.

Il possédait Dance, et l'une des Larmes de cristal, supposait-il, avait le pouvoir de prendre une âme. Donc, de rendre immortel.

Garwvyr était, pour l'instant, mortel. Mais il fallait que Denwall fasse croire au Grand Tout que le monstre était mort, sans pour autant le tuer.

Alors, si Denwall prenait l'âme de Garwvyr, un pieu dans le cœur et une dague dans le crâne de la créature devrait suffire suffisamment la ralentir pour faire croire que celle-ci était morte, non?

Et Denwall, lui-même, était immortel. Il fallait au moins ça pour combattre une immense créature comme Garwvyr, non?

Tout semblait s'accorder.

Pendant encore de long jour, Denwall marcha vers l'Est, en suivant les traces de Garwvyr. Il avait l'impression de revivre la traque qui avait eu lui quelque mois auparavant; cette fois-ci, il aurait un avantage au combat.

Le jeune homme, tout en cheminant, devait faire force pour lutter contre l'accablement et le désespoir. Si jamais il retrouvait Aëla, il n'aurait face à elle qu'un souvenir de l'amour qu'il lui avait porté.

Il rattrapa Garwvyr au crépuscule d'une journée de marche éreintante. La pluie l'avait considérablement ralenti, et il était trempé jusqu'au os lorsqu'il surprit l'immense créature, qui semblait se reposer sous un promontoire rocheux.

Le moment était propice pour mettre son plan à exécution: prendre l'âme de Garwvyr. Il prit garde à fixer le bon cristal sur Dance, et s'approcha à pas de loup du monstre, sans savoir comment il allait faire. La créature dormait à poings fermés, mais le moindre craquement, froissement ou bruissement pouvait la réveiller.

Denwall sentait son souffle putride, dangereusement brûlant. Il était à présent au niveau de son gigantesque crâne, recouvert d'écailles vertes émeraude et de pics acérés. Le jeune guerrier se glissa sans aucun bruit sous la créature, là où devait se trouver son cœur.

Alors, de toutes ses forces, il planta la dague dans le poitrail du monstre, Garwvyr se réveilla immédiatement et poussa un cris à vous glacer le sang. C'était un mélange de douleur, de rage et de déchaînement. Le jeune homme retira aussitôt le poignard, méfiant quant à l'utilité de son geste.

Mais si la dague s'était enfoncé à travers les écailles du monstre comme dans dans une motte de beurre, lorsqu'elle en ressortit il n'y avait aucune trace de son passage; aucune éraflure, aucune cicatrice. Mais... à la pointe de la dague se trouvait une petite sphère rougeoyante. Ça avait marché.

Ça avait marché... mais se trouvait devant lui une gueule immense, grande ouverte, hérissée de deux rangés de dents luisantes. Au fond, un enfer y brûlait, et déferla sur Denwall. Une tornade de flamme qui s'abattit sur lui sans qu'il ai le temps de riposter, mais qu'aurait-il pu faire de toutes façons?

Au milieu de la fournaise, la douleur était immense. Il sentait des cloques se former sur sa peau, c'était comme se baigner dans une eau à des milliers de degrés, avec de l'acide qui s'introduisait dans votre corps et vous dévorait les entrailles.

Denwall perdit connaissance.