~CHAPITRE 11~

96 14 5
                                    

Je mets la bouilloire en marche et m'adosse au plan de travail de couleur ardoise, les bras croisés afin de contenir les légers tremblements qui les agitent. Je prends le temps de détailler la jeune femme assise de travers sur une des chaises de la cuisine de façon à me faire face, ses interminables jambes, habillées d'un collant noir, croisées avec élégance.

C'est la première fois que je la vois avec autre chose qu'un jean noir, je crois. Elle porte une robe fourreau avec une fermeture éclair devant, de couleur blanche sur le buste et noire sur la jupe, qui marque assez sa taille pour lui donner une jolie silhouette mais qui, bizarrement, ne lui va pas vraiment. Je trouve que ça ne correspond pas à son caractère sauvage, ce vêtement est trop sobre, trop sérieux pour elle.

Une idée saugrenue me traverse alors l'esprit : aurait-elle souhaité paraître « rangée » devant ma famille ?

Je fronce les sourcils en riant presque de moi-même et balaie cette possibilité d'un mouvement de tête, masquant mon demi-sourire en versant l'eau chaude sur les sachets de thés qui trônent dans les mugs. La grimace qui tort le visage de la sorcière au vu du thé en sachet me fait lever les yeux au ciel. Eh oui princesse, ici, pas de thé en vrac.

- Tu avais donc un livre à me rendre ? J'interroge en posant la tasse de thé fumante devant Esmérya.

La jeune fille porte le récipient à ses lèvres et soufflant légèrement dessus et lève ses yeux d'un vert mystique vers moi.

- Absolument pas, fait-elle avant de boire une gorgée du liquide brûlant.

J'attends qu'elle précise, refusant de me laisser prendre une fois de plus à son jeu du chat et de la souris, camouflant ma contrariété en soufflant à mon tour sur ma boisson.

Mon attitude faussement impassible finit par la faire soupirer d'ennui et elle se baisse afin d'attraper quelque chose au fond de son sac. Elle en sort un gros livre relié de cuir noir que je reconnais immédiatement.

- Le livre des chakras ?

La jeune fille acquiesce timidement.

- J'aimerais qu'on recommence notre relation sur de bonnes bases, lâche-t-elle platement.

J'avale mon thé de travers et suis obligé de me pencher au-dessus du lavabo en toussant et en crachant pour ne pas m'en mettre de partout. Je m'étouffe encore quelques secondes sous l'œil neutre d'Esmérya avant de pouvoir enfin coasser entre deux quintes de toux :

- De bonnes bases ? Notre relation ?

Et c'est plus fort que moi, j'éclate d'un rire nerveux, presque hystérique.

- Tu es complètement cinglée ! As-tu seulement une idée de ce qu'est une relation, Esmé ? Interrogé-je soudain plus sérieux.

La jeune femme hausse les épaules et semble réfléchir pour de vrai à ma question, m'arrachant une nouvelle crise de fou rire, mêlée à quelques toussotements. Elle continue de pincer les lèvres en se mordillant l'intérieur de la joue, insensible à mes ricanements.

- C'est lorsque deux personnes passent du temps ensemble et apprécient ce temps passé ensemble ? Demande-t-elle d'une voix douce que je ne lui reconnais pas.

Je prends le temps de respirer profondément afin de pouvoir lui répondre sans avoir l'air de me moquer d'elle. Je hoche positivement la tête avec vivacité.

- Absolument.

- Et bien c'est ce qu'on faisait, non ?

J'écarquille les yeux.

- Esmé, sauter sur un mec que tu connais à peine avec un couteau puis le foutre dehors avec un mépris non feint alors qu'il passe prendre de tes nouvelles malgré ledit épisode du couteau, c'est tout sauf une relation.

Les Ailes de l'EnsorceleuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant