XI. La cité des astres disparus

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Il lui semblait tomber sans fin. Le noir. Les plumes noires l'avalaient, la noyaient. Il lui semblait tomber pour l'éternité, une main inutilement tendue vers la lumière décroissante.

Shizume n'entendait rien d'autre que les battements de son propre coeur. Plus aucune vie ne sortait de ses lèvres entrouvertes. Puis un souffle se fit entendre, d'abord inaudible. La jeune fille tenta de s'y concentrer pour ne pas perdre de notion. Mais ses sens furent bientôt submergés. La respiration lui vrillait le cerveau. Elle semblait résonner de tous les côtés. Elle grondait comme le tonnerre dans cette chute obscure et éternelle.

Mais la gardienne avait reconnu ce souffle rauque. Elle tentait de se reprendre. Hors de question de lâcher prise. Un vent soudain la malmena et un cri s'échappa de ses lèvres.

- Damao...

Shizume...

- ... un illusioniste !

Un arkhassan au don d'illusion ?

- Écoute... Écoute-moi, Damao. Concentre-toi uniquement sur le son de ma voix. Je sais que tu m'entends. Nous sommes prisonniers d'une illusion. Les illusionnistes peuvent utiliser tes souvenirs, non les altérer. Ce que tu vois n'est pas réel. Ce que tu ressens n'est pas réel. Ne te fit plus à tes sens. Si une douleur vient et que tu y succombes, tu peux y laisser la raison.

Mais comment se sortir de là ?

La gardienne porta la main à son front et déplaça imperceptiblement son bandeau, de manière à dévoiler son tatouage en spirale.

Espérons que cela suffise. Seul un illusionniste peut contrer une illusion. Mais peut-être que la peur suffit ? Espérons que la légendaire rancune des gardiens est crainte par ici.

Le gouffre se refermait sur elle. Son corps était balloté par des centaines d'oiseaux noirs volant autour d'elle.

Ou alors... Ça sera la douleur !

Shizume se mordit sauvagement la main jusqu'au sang. La violente douleur accéléra sa chute, et ses pieds rencontrèrent brusquement un sol dur au milieu d'un sentier montagneux. La gardienne réagit aussitôt et un coup de pied circulaire balaya les cinq assaillants qui les encerclaient.


Un cri retentit.

- Pourquoi se réveille-t-elle si tôt ??!

- C'est une... C'est une...

Un homme apeuré se tenait un peu en retrait. Ses mains formaient un cercle avec les doigts. Il suffit d'un regard à Shizume pour le faire taire. C'était lui, l'arkhassan illusionniste. La gardienne vérifia que son bandeau était bien en place. Son geste s'était fait uniquement dans l'illusion dont elle venait de s'extraire. Ainsi, seul l'autre arkhassan savait qui elle était. Parfait.

Les autres revenaient déjà à la charge.

- Tant pis. Prenez-lui son sac et toutes leurs affaires. On se casse !

Des voleurs. C'était des voleurs qui enfermaient leurs victimes dans des rêves pour s'en prendre à eux. Damao lui-même était absent, immobile et droit comme un i, les yeux fixes. Shizume lui faucha les jambes. Le contact avec le sol qu'il aimait tant suffirait à le sortir de sa tête, ce qui ne manqua pas d'arriver. Il regarda à droite et à gauche, perdu.

Les brigands insistaient pour être envoyés eux-même au pays des songes - un autre, celui-là. Shizume s'en débarrassa un par un. Puis elle se tourna vers le sixième individu, avec son rond formé avec les pouces, les indexes et les majeurs dans lequel il emprisonnait l'esprit de ses victimes.

La Destinée du DragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant