Pendant quelques temps, ils restèrent au Ryokan. Puis Damao entreprit de visiter la ville. Shizume passait toutes ses journées à ne rien faire, et pour un enfant cela devenait vite ennuyant. Dans ces moments-là, la jeune fille faisait plus vieille que son âge.
Alors le garçon avait quitté la chambre. Il marchait dans les rues en ouvrant de grands yeux curieux, évitant toute interaction sociale. La cité était grande et animée. En entendant des chants, il se tourna vers un haut mur de pierre qui délimitait un sanctuaire. Il s'arrêta et tendit l'oreille pendant un moment. De l'autre côté devait se jouer une pièce de théâtre nô. Il n'en avait jamais vu en vrai. Puis il s'éloigna, seul au monde.
Dans les jours qui suivirent, Shizume disparut de l'hôtel. Elle avait du se trouver un autre endroit pour éviter le jeune homme.
Dans la rue, Damao s'arrêta devant une échoppe de fruits. Il n'avait pas d'argent, mais s'approcha pour regarder les énormes aliments ronds, colorés, chargés d'eau et de sucre. Il tendit la main et attrapa une pomme, les yeux brillants autant que le fruit. Il n'avait pas l'intention de le prendre, mais c'était plus fort que lui. Une baguette de bois s'abattit douloureusement sur son dos.
Il sursauta et recula, serrant la pomme contre son coeur. Une femme se tenait au-dessus de lui, une expression de colère sur le visage. Elle fixa le garçon avec des yeux fous.
- Va-t-en, voleur ! Vaurien !
Il s'enfuit en courant et échappa à l'agitation par de petites rues désertes. Il regardait le fruit qu'il avait toujours, les dents serrés et les pupilles dilatées. Sa main tremblait. Puis le fruit explosa sous la pression, et du jus aspergea le sol.
Le fruit en bouillie finit ses jours dans la poussière.
Il retrouva Shizume. Mais celle-ci semblait avoir retrouver quelqu'un d'autre.
L'alcool.
Elle rigolait avec des inconnus et ne lui porta aucune attention.
Il détestait déjà cette ville. Elle lui rappelait son ancien village. Le moment privilégié vécu seul avec Shizume dans le forêt lui semblait déjà lointain. Ici, il ne connaissait absolument pas les environs. Pouvait-il continuer à améliorer sa vitesse et ses réflexes, comme la fille le lui avait dit ? Le jeune homme mangeait et dormait bien, mais avait l'impression de perdre les enseignements acquis. Et même si le médicament apaisait son allergie et qu'il bénéficiait parfois du pouvoir bénéfique de l'oubli, une envie de tout casser le prenait quand il voyait son reflet.
Et surtout, une rage sourde prenait le pas sur le sentiment d'impuissance dissipé tant bien que mal par Shizume
Damao sentit son sang s'arrêter dans ses veines. Il entra en trombe dans le restaurant et se planta devant la jeune fille. Elle le regarda de travers, les yeux rouges et embués.
- Nanda ?...
Il avait l'air de déranger franchement, mais s'en fichait. Tous les regards étaient tournés vers lui.
- Tu comptes m'éviter encore longtemps ?
Shizume afficha son habituel air boudeur.
- Je peux savoir que quoi qu'i'm'cause, le gamin ? Laisse-moi tranquille.
Celui en question se pencha sur elle, les yeux brillants de fureur, mais sembla se raviser à continuer cette inutile conversation. Agacé et fulminant, il repartit d'un pas raide. Alors elle lui avait menti ? Il n'apprendra jamais à contrôler son don ? Effectuant tous ses gestes avec brusquerie, il monta au-dessus des maisons comme il ne l'avait plus fait depuis longtemps, s'assit en tailleur sur un toit en bois et en terre et tenta de se concentrer. Mais il le savait au fond de lui, tout seul il n'arriverait à rien. Il n'y avait rien de plus frustrant que de dépendre de quelqu'un d'autre pour une quête personnelle. De ne pas avoir les outils pour aller chercher au fond de lui.
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La Destinée du Dragon
FantasyUn enfant, seul. Ses pouvoirs sont immenses, son incapacité à les contrôler le transforme en monstre. C'est dans la solitude et la crainte que Damao grandit. Son rêve est d'exister aux yeux des autres, alors il trouve son équilibre dans le sang. Jus...