XIV. Respirer dans l'océan des sombres pensées

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Damao marchait seul dans la rue, la tête baissée. Son pas était lent et résonnait à l'infini dans les rues désertes. L'obscurité prenait chaque recoin malgré les quelques torches éparses, et la pluie fine avait étendue son voile de silence sur Solana Tem.

Comme le temps et la nuit, les pensées de l'unique passant étaient sombres. Le découragement l'envahissait. Cela faisait maintenant deux lunes qu'il s'acharnait à ouvrir les portes de son don. Mais il n'y parvenait pas. Sa magie l'en empêchait. Shizume était intraitable, et elle réduisait systématiquement plusieurs heures de méditation au néant dès l'apparition de l'aura d'énergie. Alors, prit de colère et de désespoir, l'enfant avait tenté de la frapper.

Cela lui avait valu une humiliation supplémentaire et un regard d'avertissement, qui lui avait fait plus mal que tout le reste encore.

Il aurait préféré des paroles au silence qui avait suivi son geste. Elle avait paré sans rien dire et l'avait laissé s'enfuir sans rien faire.


Tant de pensées violentes tournaient dans l'esprit de Damao qu'il se mordit la lèvre jusqu'au sang et se délecta du goût métallique. Un bruit le fit brusquement se retourner. Deux flammes sombres sondèrent l'obscurité, mais il ne vit rien et s'éloigna.


Plaquée contre un mur, ses cheveux se confondant avec l'obscurité, Shizume retint son souffle. La bouteille qu'elle tenait à la main était légère, pourtant celle-ci l'empêchait de marcher correctement.

La jeune fille avait le plus grand mal à garder ses idées claires, pourtant elle reprit une longue rasade.

Il ne l'avait pas vu.


Quand Damao tomba sur deux gardes de nuit de la ville, son coeur s'excita. Toute pensée fut oubliée pour ne garder qu'un seul désir.

Son corps s'illumina dans la nuit, éclairant le quartier désert, vieux et délabré, où peu de maison étaient habitées ici. Les volutes de magie incandescente dansaient autour de lui.

Après tout, qu'est-ce que la vie et qu'est-ce que la mort ? Je vais prendre vos vies. Me sentirais-je ainsi plus vivant ?

Une main armée de griffes aiguisées et luisantes d'énergie partit vers la chair et le sang. Mais quelque chose saisit son poignet et dévia le coup. De rage, il s'en débarrassa d'un mouvement de bras, et attaqua le nouvel arrivant. Celui-ci était rapide et évita les langues de magie qui se refermaient sur lui.

- C'est... toi, hein ? Depuis le début, toutes les disparitions... Comment... oses-tu prendre ces vies ? Qui es-tu, pour décider de leurs sorts ?

La voix. Il connaissait la voix, et pourtant sa conscience était trop loin pour réagir. Son unique envie était de sentir le sang chaud entre ses doigts, et jusque là, une violence sans nom l'habiterait. Ses deux proies étaient tétanisées de peur. L'une d'elle hurla de douleur quand une vague d'énergie s'abattit sur lui. Mais à nouveau, on empêcha Damao d'accomplir son dessein. S'en suivit un corps à corps, et l'assassin se retrouva plaqué au sol.

- Venge-toi. Si cela peut te soulager de faire disparaître, prends ma vie. Mais qu'avec elle disparaissent aussi la souffrance et la haine qui étreignent ton coeur.

Pendant un instant, un souvenir lui revint.


Ils marchaient tous les deux. Il y avait du monde. Soudain, Damao entendit une voix qui lui fit lever la tête. Un homme leur barrait le passage. Il siffla entre ses deux, le regard mauvais :

- Les assassins devraient pas être acceptés dans cette ville. On veut pas te voir ici, avec tes marques rouges.

La respiration de Damao était devenue saccadée. Shizume l'avait éloigné en le raisonnant.

La Destinée du DragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant