XVII. De l'incompréhension à la destruction

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Accroupie sur la pointe des pieds, Shizume observait Solana Tem depuis les toits. La chaleur et l'humidité de cette fin d'été rendait la cité étonnement calme et vide. Le ciel orageux se déversait sans discontinuer, glissant sur les toits et ruisselant dans les rues.

Non loin de la jeune fille, sur un toit voisin, leur intimité gardée par le rideau humide, deux enfants étaient assis côte à côte les pieds dans le vide. Ils lui tournaient le dos et elle se permit de les observer quelques instants. Puis elle retourna sur le plancher des vaches et s'éloigna, un livre prenant la pluie à la main.


Entre Damao et Maiko, c'était le silence complet. Chacun était dans son univers et l'unique bruit de la pluie ne les dérangeait pas le moins du monde. D'une certaine façon, ils partageaient ce moment de calme avec délice.

Les pensées du garçon étaient nombreuses et très confuses. Son entraînement portait ses fruits mais il ne parvenait pas encore à modifier entièrement son apparence. La fierté l'empêchait donc de dire quoi que se soit à son... amie ?

Il avait encore tellement de mal à désigner ainsi Maiko, et pourtant il devait se rendre à l'évidence, la citadine comptait pour lui. Son image et son rire peuplaient les pensées du métamorphe et celui-ci sentait poindre un étrange creux dans sa poitrine à la simple évocation de son prénom.

Damao fut brutalement ramené à la réalité.


Maiko venait de poser un doigt sur la joue du jeune homme.


- Tes émotions sont si intenses, ça me fait presque... mal.

- Qu'est-ce que tu... ?

La jeune fille effleura son tatouage du bout des doigts. La sensation dérangea immédiatement le garçon, malgré son allergie soignée depuis de nombreuses lunes.

- Un être dégageant tant de choses a déjà connu ou répandu le mal, murmura-t-elle dans un souffle.

Les yeux de l'empathe étaient exorbités et fixaient le vide. Sa respiration était saccadée.

Damao, ne pouvant supporter le contact, se leva brusquement et recula.

Mais Maiko ne le retint pas. Elle semblait soudainement mal en point, d'horribles quintes de toux la déchiraient et l'étouffaient littéralement. Et son ami ne bougeait pas, interdit. Ses émotions le dépassaient. Il ne savait pas comment se comporter avec les autres. Il n'avait jamais appris. Ses relations depuis l'enfance se bornaient à son père et ensuite Shizume, pas très sociables eux-mêmes. Il avait appris par lui-même la méfiance à l'égard des autres. Les paroles de Maiko résonnaient dans ses oreilles et il était incapable de répondre à son actuelle détresse.

Elle ouvrait la bouche, tentant d'aspirer en vain un peu de cet air si vital dont elle manquait sérieusement. Son corps était secoué de spasmes. Ses yeux, révulsés.


Dans son monde à l'arrêt, Damao vit subitement apparaître une massive silhouette à côté de la fille. Dans sa panique, il la détailla : l'inconnu portait un long manteaux noir couvrant entièrement son corps et un large sandogasa dissimulant toute la partie supérieure de son visage, rendant impossible toute lecture de ses intentions.

- Qui êtes-vous ?, réussit-il à demander.

L'homme s'agenouilla près de Maiko.

- Mes intentions ne sont aucunement mauvaises, répondit une voix grave à l'étrange dialecte. Je suis arkassan guérisseur et cette enfant dégage une souffrance incommensurable.

La Destinée du DragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant