Seul le soleil est aveugle aux ombres

632 66 6
                                    

C'est une voix familière, aiguë et hystérique qui sortit la Gryffondor de la torpeur dans laquelle elle avait été plongée. Lointaine et floue au début, elle se faisait plus claire, plus présente. Plus proche.

Mais ce n'était pas vers elle qu'étaient destinés les blâmes cruels et virulents. L'acidité du timbre perforait tout son corps, les variations acerbes brûlaient son corps qui était incapable de réagir. Ses paupières papillonnèrent un moment avant de lui laisser entrevoir la scène floue qui se jouait devant elle. Elle sentait les minéraux lisses et froids sous ses paumes meurtries, toute son enveloppe molle et désarticulé avait épousé la surface neutre, elle pouvait sentir chaque parcelle organique en contact avec le matériau. Sa chevelure terne, emmêlée ne reflétait plus que les lueurs mauvaises des sorts qui sifflaient tout autour.

La voix se fit plus profonde, forte. Des pas s'étaient rapprochés, un bourdonnement oppressant s'était logé dans son esprit, occultant tout son qu'elle aurait pu analyser autre fois, mais les vibrations de la démarche qu'elle sentait résonner dans son corps ne faisait aucun doute.

Cette fois les paroles étaient claires, même pour sa conscience embourbée dans un monde au delà d'une réalité concevable.

"-Ces idiots vous ont échappé, la fille Lovegood était sous votre contrôle, vous avez échoué, c'est moi qui ai dispersé leur groupe, vous avez étés incapable de les tenir en respect! La fille est à moi et celui qui osera poser la main sur elle le paiera de sa vie.

Hermione tiqua enfin. Lovegood. Luna. Les pièces s'emboitèrent enfin dans son esprit. Ils n'étaient jamais venus au ministère. Le raid qu'ils avaient organisé était un sauvetage. Un sauvetage dans le manoir des Malfoys. La blonde avait été enlevée, dans le seul but de faire pression sur son père. La Gryffondor pria silencieusement pour que la Serdaigle n'ait pas gardé de sévices et remercia ses amis d'avoir achevé la mission là où elle avait échoué. Luna était saine et sauve. C'était la seule chose qui comptait. Une vague d'apaisement la traversa un instant alors qu'elle gisait sur les dalles noires à la merci des monstres qui partageaient son espace étroit. Ils avaient fui et son amie se trouvait loin maintenant. C'était bien assez. Un sourire timide se logea sur ses lèvres gercées. Elle grimaça à la douleur vive qui la secoua à ce rictus fragile. Sa lèvre inférieure était fendue dans sa hauteur. Sa chute devait être responsable de cela. Elle n'osa pas esquisser le moindre geste, son corps était beaucoup trop faible, elle ne parvenait pas à sentir ses extrémités et ses doigts engourdis restaient impassibles à ses ordres tacites.

-Bien. Pas de sort de silence Bellatrix. Il serait injuste que tu sois la seule à jouir de ce spectacle.

La Mangemort qu'elle sentait à proximité gronda, Hermione pouvait entendre les vibrations sourdes qui lézardaient dans la poitrine serrée par l'étau qu'était le corset noir. Elle percevait la colère qui se frayait un chemin dans la carcasse maigre et tendue.

-Dehors."

Le calme de la demande fit frissonner la jeune femme encore écrasée sur le sol, incapable de bouger. Beaucoup trop calme pour que la paix factice ne cache aucune autre émotions. Les présences s'évaporèrent lentement, dissoutes dans un anonymat qui échappait encore à la lionne, jusqu'à disparaitre complétement au delà des murs complices. Le silence s'installa enfin dans la pièce immense qui laissait encore résonner en son sein les pas lointains des monstres absents. Pourtant une présence demeurait. La Gryffondor pouvait vivre et partager la tensions qui électrisait ses muscles bandés sous la peau blanche. Le visage fermé de la Mangemort était dissimulé sous les mèches noires et denses, défaites par les efforts et la rage qui l'avaient animée.

Elle sentit un bras s'enrouler autour de son buste et faire levier pour la faire basculer sur le dos. Elle ne put réprimer un hoquet de surprise qui s'acheva en un gémissement épuisé, incapable de maugréer la moindre phrase. Les mots s'étaient étouffés dans sa gorge sèche et sa langue pâteuse collait à son palais. Elle ouvrit péniblement les yeux pour chercher la sorcière qui la maintenait au sol. Deux yeux sombres se glissèrent sur son visage alors qu'elle ne pouvait les piéger dans son regard éreinté, éteint. Elle ne cilla pas, incapable d'esquisser le moindre mouvement alors que son cœur se souleva. La peur générée par ses souvenirs récents gelèrent sa respiration, son sang afflua dans sa tête, son cœur manqua un battement alors qu'il palpitait, erratique, faible sous sa poitrine fragile.

La lune change de Mue et les humains de peau [Bellamione]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant