A la laisse, on préfère la faim

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La jeune femme n'avait jamais osé imaginer que l'on puisse se sentir aussi creux. Le vide avait comblé ce qui restait de son corps, remplacé tout ce qui s'y trouvait pas une profonde absence. Le désespoir, la douleur et la haine n'y avaient même plus de place. Il n'y avait plus rien. Un corps creux. Plein de vide. La terre s'était effondrée sous son poids, elle errait sans plus sentir quoi que ce soit toucher sa dépouille insipide. Elle avait laissé les jours filer entre ses doigts, en pilote automatique. Elle n'avait pas cherché à accrocher les instants, ils s'étaient évadés, n'avaient pas eu le temps de se perdre dans la coquille vierge ou de buter contre les parois fines. Elle les avait esquivé, simplement, elle avait fuit avec toute la grâce simple dont aurait pu faire preuve un félin.

Sa démarche l'avait menée à la cabane déserte, à peine plus loin. Elle ne savait pas exactement. Elle ne se localisait pas. Hermione était épuisée, elle n'avait même pas senti ses jambes la porter jusque là. Sa course lente l'avait menée au bord du monde et elle y contemplait l'abime, absente. Lointaine.

Elle se demandait combien de temps elle allait devoir tomber. Elle avait pensé à une potion, mais elle craignait qu'une fois avalée, elle éprouve quelques remords, panique et cherche un antidote. Une fois que l'on a chut, il n'y a qu'à attendre. Elle regardait le sol, tout en bas, proche de la cabane hurlante. Ses yeux vitreux cherchaient la fin du gouffre. Ces années à Poudlard avaient changé sa vie de manière drastique. Elle avait vécu ces discriminations infernales qui la ramenaient comme être inférieur, indigne, illégitime. Un sang pourri. Elle avait survécu au Basilic, sauvé les garçon plus de fois qu'elle ne pouvait les compter ou même s'en souvenir. Même pour le tournoi pour la coupe de Feu l'avait impliquée bien plus qu'elle ne l'aurait souhaité. Et la morsure. Elle avait tout fait pour préserver son entourage de ce mal qui grondait dans son corps. Il avait fait une victime cette nuit là.

Une réalisation l'avait soudainement frappée; il en ferait d'autres. Elle tuerait encore. Cela aurait pu être n'importe qui. Harry aurait pu tomber sous ses crocs. Si elle était incapable de se maitriser, qu'adviendrait-il de ses parents? Le risque était trop grand. Beaucoup trop grand. Elle était devenue un prédateur, une machine à tuer.

Elle contemplait le néant, les rochers tout en bas, les feuilles dorées qui s'y étaient échouées. La pluie d'automne commençait à tomber. Le ciel obscurcit s'était voilé et les nuages sombres planaient maintenant. Leurs masses grises s'étiraient avec souplesse dans l'après midi fraiche. Le soleil d'octobre avait disparu derrière les formes épaisses et sa lumière perçait au travers dans les rares cavités qui perforaient les cumulonimbus en leur masse titanesque. Elle sentait la lumière jaune sur sa peau alors que l'eau glissait dans ses cheveux. Une lumière d'apocalypse. Le ciel était beau.

Le vent s'était levé et tourmentait sa chevelure sauvage, malmenée par les sifflements secs des éléments farouches. La bruine était salée sur ses lèvres sèches, elle enveloppait son corps dans une étreinte réconfortante alors qu'Hermione avait déjà choisi. La jeune sorcière aplatit sa langue contre son palais alors que sa tête basculait en arrière. Elle mordait sa joue chaude et ferma ses paupières. Elle avait disparu tôt ce matin là. Elle avait attendu que la pause hebdomadaire l'éloigne des cours. Son absence aurait alerté n'importe qui. Elle n'avait pas parlé de son familier défunt à Harry et Ron. Elle les avait évité, eux, et tous les autres.

Elle contempla les rets de lumière se précipiter sur le sol en colonnes blanches sur les collines boisées. C'était vraiment un ciel magnifique.

La lionne se laissa tranquillement basculer. Elle avait un peu peur. Mais l'angoisse ne durerait plus longtemps. Elle ne craindrait plus jamais rien après cela, ni même son état polymorphe, ni la guerre qui grondait, ou la violence.

La lune change de Mue et les humains de peau [Bellamione]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant