6 : Soif

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"- Comment tu te sens ? me demanda Danarès, appuyé dans l'encadrement de la porte.
- Je sais pas ... Mieux ?
- Tant mieux. me dit-il en souriant."
Il s'approcha de moi et me tendit la main, sans perdre son sourire.

Je l'aggripai et tentai de m'appuyer légèrement sur ma cheville blessée. Celle-ci m'arracha un cri dès que je la posai au sol. Je restai donc assise, un air ennuyé figé sur le visage.

Danarès aperçut ma moue et rit :
"- Tu comptais quand même pas remarcher tout de suite si ?
- Nan nan c'est juste que ... Qu'est-ce que je vais faire en attendant ? répondis-je, ennuyée.
- Oh mais j'ai tout prévu !"

Je l'observai sortir de la pièce avec amusement, il était tellement craquant ce garçon ... Tellement craquant ...
Il revint quelques minutes plus tard avec un fauteuil roulant dans les bras. Mon visage s'illumina de joie et je lui fis un si grand sourire qu'il rit.
"- Je vois que t'aimes pas l'enfermement ! Allez je vais te porter dessus !

Il me souleva délicatement et me harnacha au fauteuil, comme s'il avait fait cela toute sa vie.

- Génial ! Merci beaucoup Danarès, sans toi je serai déjà ...
- Arrête, c'est normal, ne me remercie pas. me coupa-t-il.
- Dis, tu dois connaitre les environs, tu me montres ? lui demandais-je poliment.
- Aha mais bien sûr ! Suis moi !"

Je suivis ses pas en poussant de mes bras les larges roues du fauteuil. Il m'entraîna au bord d'une petite route où une petite fille attendait pour traverser la rue.

Je la regardai avec mépris en me demandant comment j'avais pu être, petite, une si insignifiante personne. Je fus frappée de stupeur lorsque je vis Danarès lui sourire avec tendresse.

Je tentai de cacher ma surprise en m'avançant au bord de la route à côté de la petite fille.

A quelques centimètres de la petite, la roue de mon fauteuil se coinca derrière un petit gravier. Je poussai comme une folle pour décoincer la roue sous les fous rires de Danarès. Exaspérée par cette humiliation, je poussai violemment si bien que la roue se décoinca brusquement et entra en collision avec le mollet de la petite fille, qui, déséquilibrée tomba sur la route au moment où un camion passait.

Je restai pétrifiée sur place tandis que Danarès se précipita pour rattraper la petite.

Mais c'était trop tard.

Un jet de sang m'éclaboussa la figure et ma langue, comme manipulée par une force invisible, lécha les gouttes de sang autour de ma bouche.

Danarès cria, horrifié et se précipita pour arrêter les voitures qui arrivaient.

Quant à moi je ne pus m'empêcher de m'approcher du cadavre, pire que celui de la vieille femme dans les escaliers, pire que tout.

La trace du pneu du camion tracée au sang sur son bas-ventre, complètement déchiqueté, laissant voir une partie des muscles. Et enfin les yeux exorbités et injectés de sang de la pauvre victime.

J'eus à ce moment une terrible envie, une envie qui m'effraya, mais qui fut incontrôlable. L'envie de goûter, l'envie de goûter à cette charpie.

Je jetai un œil à Danarès, en pleine conversation avec un chauffeur. Ses grands yeux jaunes semblaient horrifiés. Jamais, sans doute, n'oublierait-il ce qu'il avait vu.

Pourquoi ne pas essayer ? J'en avais tellement envie ... Et puis si je faisais vite personne ne verrais !
Je plongeai ma main dans l'ouverture du ventre de la petite et en sortit un morceau de quelque chose -je ne préfère pas savoir quoi- . Je le fourrai dans ma bouche en vitesse et croquai.

Un goût amer et salé emplit ma bouche. Un goût très désagréable. J'avalai dégoutée et comme par magie, une foule de saveurs plus délicieuses les unes que les autres emplirent ma bouche. J'écarquillai les yeux, étonnée et regardai mes mains, couvertes de sang.
Je léchai un par un mes doigts en essayant de retrouver cette sensation délicieuse. Et c'est ce moment que choisis Danarès pour se tourner vers moi. La peur et l'horreur s'installèrent sur son visage, il ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit.
Je le regardai avec des yeux brillants d'émotion, des yeux exorbités. Des yeux de folles.
Puis mes bras se tendirent vers lui. Comme un appel à l'aide, ma main s'aggripait toute seule à la roue de mon fauteuil et d'une force inhumaine, projeta le fauteuil à côté du garçon ...

Il recula, effrayé, se prit les pieds sur le gravier et s'affala de tout son long sur la route.
Je me penchai au dessus de lui, toujours ce sourire de sadique figé sur mon visage, les cheveux en pétards et les yeux fous d'une criminelle.
Ma main vint s'aggriper à son cou et ressera son étreinte.
Et je repris mes esprits.
Je poussai un cri avant de lâcher le cou de Danarès. Mon visage redevint celui d'une adolescente normale et je regardai ma main avec horreur, reculai, repoussant Danarès, qui tentai de m'interroger.
Je poussai un hurlement de frayeur, en imaginant le visage que j'avais dû avoir, l'expression de mon visage quand j'avais goûté le sang, le sourire.

C'était trop tard, Danarès avait tout vu, et rien ni personne ne lui ferait oublier ça ...

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