3 : Le rire

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Je me réveillai brusquement en hurlant :

- Anaaaaa !!!!

J'ouvris les yeux et posai enfin mes fragiles yeux bleus sur les quatres murs blancs entre lesquels j'étais enfermée. Ils furent tout d'abord éblouis par la pièce sur-éclairée puis distinguèrent enfin des cheveux bruns, courts, des yeux très noirs ... Un homme sans aucuns doutes.

"- Mlle Fartin ? Mlle Fartin ?
- Hein ? répondis-je, sonnée

- Mlle Fartin vous avez fait une chute de plus de deux mètres sur le bras droit. De quoi vous souvenez-vous exactement ? De quelle Ana parlez-vous ? De la jeune fille retrouvée morte dans la cabine numéro 6 des toilettes des filles de votre lycée ? Ana Midyll ? Non bien sûr vous n'êtes pas au courant de sa mort tragique ... Votre bras est cassé bien entendu et quant à votre cheville elle est atteinte de lésions et doit être opérée d'urgence."

Je poussai un hurlement strident, agacée par le flot de question et d'informations qui n'avaient pas le temps d'affluer à mon cerveau.

"-Mlle Fartin vous devez aussi savoir que ...
- Stooooop ! le coupais-je. Stop. Où sont mes parents ?
- Vos parents sont dans la salle d'attente, vous vous trouvez actuellement ...
- Oui merci j'avais cru comprendre être dans un hôpital oui !
- Bon, je vais chercher vos parents. dit-il, piqué au vif."

Je poussai un soupir d'agacement, c'était pas permis de faire chier les gens qui venaient de sortir d'un traumatisme ! Docteur, docteur mon cul oui !

Je passai ma main dans mes cheveux et tentai de m'asseoir sur le lit où j'étais allongée.

J'y parvins avec difficulté et poussai un petit gémissement lorsque mon bras se souleva du matelas.

Ma mère entra précipitamment dans le pièce avec son petit air affolé.

"- Oww !!! Ma Samounette adorée est-ce que ça va ? Tu m'as fait tellement peeeuuurrr !! rétorqua-t-elle de sa voix suraiguë
- Oui, oui c'est bon maman lâche moi je suis plus une gamine !
- Mais pucette ! Ça fait quand même 24 heures que tu es inconsciente ! me dit-elle d'un air profondement choqué.
- Quoi ???!!!! hurlais-je. Je ne peux pas c'est pas possible ... J'ai loupé mon concours de beauté !!!! Maman bordel tu fais chier ! T'aurais pas pu me prévenir ??!! Dégage de ma chambre ! Ma vie est foutue !! hurlais-je."

Ma mère sortit d'un air totalement désolé et s'essuya une larme.

Lorsque j'eus bien vérifié que personne ne m'observais, je me mis à hurler dans mon oreiller et à le frapper. Comment avais-je pu être aussi bête ?!! Ce concours c'était la chance de ma vie ! Moi qui m'imaginais déjà reine de beauté, millionnaire et mariée à Justin Bieber, je tombais de haut.
Ma vie était foutue, littéralement.
Mais je ne croyais pas si bien dire ...

Environ deux heures plus tard, une jeune infirmière, à peine plus vieille que moi, déboula dans ma chambre avec un plateau de nourriture. Je la regardai dédaigneusement.

"- Je suis sensée avaler ces merdes ?
- Je ... Je n'ai pas le pouvoir de décider de votre nourriture mademoiselle.
- Attendez, c'est de la nourriture ça ? rétorquai-je en pointant du doigt le vieux morceau de pain moisi et les épinards tous secs posés sur mon plateau.

- Je ... Hum ... dit-elle gênée."

Elle devint si rouge qu'elle préféra s'en aller plutôt que de se confronter à une adolescente. Pauvre idiote ...

Je m'apprêtais à avaler ma première bouchée d'épinards quand une fille de mon âge aux cheveux noirs ébènes, aux yeux bleus ciels, en talons aiguilles et robe au dessus du genou entra élégamment dans ma chambre.
"- Saaaam !
- Oh hey ! Quelle surprise Marine ... dis-je d'un air faussement heureux.
- Alors louloute ! Il t'a pris quoi d'escalader la porte des chiottes ?
- C'est que ...
- Oh c'est pas grave je m'en fous en fait. Tu sais que je sors avec Brandon mainte ...
- Ah ouais super ... Dis, ça va être l'heure de mon traitement tu pourrais repasser plus tard ? la coupai-je.

- Ah euh oui okay. Byyyyee !! fit elle avant de m'adresser un clin d'œil et de s'en aller en se déhanchant.

Je n'en pouvais plus de ces murs blancs, je devais absolument sortir. Je me levai doucement de mon lit. Je poussai un petit cri dès l'instant où ma cheville se posa sur le sol.

Au prix d'un effort inhumain, je parvins à me mettre debout et tentai un premier pas.

La douleur fut telle que mes yeux se remplirent de larmes et que je m'écroulai au sol en à peine une demie seconde.

Je fis ainsi plusieurs pas puis mon corps s'habitua peu à peu à la douleur et je pus marcher. En boitant comme une amputée mais je pus marcher, c'était l'essentiel.

Je me trainai donc presque jusqu'à l'escalier, qui était, étrangement, désert et croisai une femme d'âge mûr, la cinquantaine je dirai. Elle me fit un sourire que je ne lui rendis pas : je m'étais promis de ne sourire qu'aux garçons qui me plaisaient comme ça, dès qu'ils obtenaient un sourire de ma part, ils savaient que je les visais !

Elle me frôla donc, comme pour me faire signe qu'elle n'appréciait pas mes manières et nos pieds s'entrelacèrent, comme manipulés par une force invisible.

Elle plongea en arrière en une fraction de secondes et sa tête heurta violemment le coin d'une marche de l'escalier. Une ouverture se forma dans son crâne et du sang commença à inonder l'escalier. Je me pliai en deux et hurlai à la vue de cet horrible spectacle.

La femme roula-boula sur tout l'étage et se prit le mur en face. Le choc poussa un ultime jet de sang en dehors de sa tête, qui se renversa en arrière dans un angle inhumain.

Elle ressemblait à une poupée de chiffon dans cette position.

Cette comparaison m'arracha un fou rire. Un rire qui m'effraya.

Un rire sadique.

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