10 : Agression

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Je fixai la tâche de sang, tétanisée, et tournai la tête vers la gauche.
On pouvait apercevoir la planque de Danarès. Je laissai tomber mes fesses sur le bord du trottoir, à bout de force.
Ainsi l'Ombre était donc réelle ? Non c'était impossible. C'était complètement surréaliste ! Je ne pouvais me résoudre à croire à une chose pareille !
Je me mis à réfléchir :
Je devais absolument trouver Marine, en espérant qu'elle m'accueille sans poser de questions ...
Donc j'avais deux petites solutions :
- Refaire tout le chemin à pied
- Faire du stop.

J'éliminai tout de suite la première solution : cela faisait déjà presque 24 heures que je n'avais pas mangé et malgré les régimes courants que subissait mon estomac, celui-ci commençait sérieusement à gargouiller.
J'optai donc pour le stop.
Je m'avançai sur la route et tendis mon pouce en l'air.
Une voiture rouge passa devant moi sans s'arrêter. Je levai mon poing en l'air et hurlai des injures au conducteur qui m'ignora profondément.

Lorsque je fus calmée, je me concentrai à nouveau sur ma tâche.
Une demie heure plus tard, aucune voiture n'était passée et pour combler le tout, la pluie s'était mise à tomber abondamment.
Puis je réalisai quelque chose : J'étais invisible ! Donc personne ne pouvait voir que je faisais du stop ! Quelle idiote ...
J'allai faire demi-tour lorsque une grande gerbe d'eau m'aspergea de la tête au pied.
Je ne bougeai pas, humiliée autant qu'on peut l'être. J'allais me retourner pour donner une bonne leçon au responsable lorsqu'une voix rauque retentit de derrière moi :
- Bon tu montes la gamine ?
Je me tournai brusquement, furieuse avant de monter dans la voiture en claquant violamment la portière.
- Vous auriez pu faire attention quand même nan ?!!
Je suis pas petite je vous signale ! Nan mais pour qui vous vous prenez ?!
La "gamine" doit aller à Debtwood ! Et plus vite que ça elle a pas tout son temps ELLE !

Aucune réponse. Je n'y croyais pas. J'avais sorti tout ce monologue pour RIEN ?
Et puis pourquoi n'étais-je plus invisible hein ?
Je lancai un regard noir au conducteur et vis son physique pour la première fois. Je crus que j'allais devoir descendre de la voiture :
Ses yeux étaient d'un noir profond et sa barbe grise lui tombait jusqu'au bas du cou. Il avait une grosse corpulence et un filet de bave lui coulait du coin de la bouche.
Une vraie tête de pedophile.

En plus de cela, il dégageait une odeur pestilentielle de bière ou de cigarette ou des deux qu'en savais-je ?
Mais il était trop tard pour descendre, la voiture avait déjà démarré.
Une heure plus tard, l'homme n'avait toujours pas lâché un son.

Une petite musique country insupportable troublait le silence monotone.

Je pressai le bouton pour éteindre la radio mais mon doigt vrilla et appuya sur le bouton pour changer de station.
Je tombai directement sur NRJ.

C'était bien aussi.
Je laissai tomber mon dos contre le siège et fredonnai l'air de "Blame" qui passait sur la station.

L'homme me regarda méchamment et frappa la radio qui s'éteignit immédiatement.
Je n'osai pas bouger et au bout d'une trentaine de minutes, le silence fit que je m'endormis sans ménagement.
Je me réveillai quelques temps plus tard et ma main se glissa automatiquement dans ma poche pour chercher mon téléphone afin de regarder l'heure.
Mon corps se raidit.
Mon téléphone n'était pas dans mes poches. Je portai mes mains à mon cou et m'apercus que mon collier en argent était absent.
Je tentai d'ouvrir la portière de la voiture, qui était garée dans un petit garage fermé mais trouvait la portière verrouillée.
Je commençai à paniquer.
Au moment où j'allais me mettre à crier, la portière côté conducteur s'ouvrit violamment et avant que j'ai le temps de comprendre ce qui se passait, deux grosses mains s'applatirent sur ma poitrine.

Je criai à l'aide mais une des deux mains de l'homme - car oui c'était bel-et-bien l'homme de la voiture - se plaqua sur ma bouche.
- Écoute la miss, ça sert à rien d'crier, personne t'entendras jamais ici. Donc à part me casser les couilles ça sert à rien.
Il rapprocha son visage du mien. Et si tu me casse les couilles je ferai en sorte que tu le paie ...
Il rapprocha ses lèvres des mienne et m'embrassa d'une manière agressive, sans amour.
Une larme coula sur ma joue, cette larme me fit réaliser qu'il y a quelques jours à peine, j'étais une adolescente ordinaire, qui avait des amies, qui s'habillait bien, qui draguait les garçons et qui avait des problèmes normaux.
Aujourd'hui je suis la tueuse en série la plus recherchée de la région et je me fais violer par un vieux schnok dégoûtant.
Au moment où ses lèvres se rapprochaient dangereusement de ma poitrine, je repérai un canif dans la poche arrière de son jean.

Je me saisis agilement de celui-ci et le plantai de toutes mes forces dans la nuque de mon agresseur.

Il n'eu pas le temps de réaliser ce qui se passait que je lui assénai trois autres coups de couteau.

Il s'affala, mort, sur la banquette.

Je me relevai et domptée par une force extraordinaire, je replantai encore et encore la lame dans le cadavre.
Je tentai de m'arrêter mais impossible, un sourire malsain commençais à apparaître sur mon visage et mon esprit s'affola : elle était de retour. L'Ombre.
C'était elle qui me faisait tuer, qui me rendait monstrueuse.
Je poussai un hurlement rauque et me jetai sur le corps inerte, lui assénant un ultime coup de couteau.
Après ce coup là, je parvins à me reprendre. Je jetai le canif au loin et me relevai, dégoutée de moi-même.
J'ouvrai manuellement la porte du garage et remontai dans la voiture. Je tournai les clés, qui étaient restées sur le contact et démarrai, pour la première fois, une voiture.

Je tentai d'avancer et me rendis compte que c'était assez facile.
Je me mis en route et m'aperçus en quelques secondes, et avec soulagement, que j'étais à Deptwood.
C'était déjà ça.

Au bout de quelques minutes, je retrouvai l'immeuble de Marine et j'arrêtai la voiture devant.
Je descendis sans faire attention et m'aperçus qu'une vieille femme me regardai, les yeux exorbités.

Elle lâcha la laisse qu'elle tenait et le chien au bout s'enfuit en glapissant de terreur.
Ce n'est qu'à partir de là que je me rendis compte que mes habits étaient souillés de sang.
Et je n'étais plus invisible.

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