Partie I : Nouveau départ (section 6)

33 3 0
                                    


Le choc fut moins rude que ce que je pensais. Au contraire, il fut chaud et agréable, comme j'imaginais les bras d'un amant. Étais-je morte ?

J'entendais des voix et des cris lointains mais ils me parvenaient à peine. J'étais prise dans une sensation sans pesanteur avec pour seul repère le calme qui m'entourait.

Soudain, mon monde trembla.

J'ouvrais les yeux. Je n'étais pas morte. Le carrosse ne m'avait jamais atteint. Comment était-ce possible ? Je tentais de me relever mais quelque chose me retint. C'était des bras, de vrais bras. Relevant la tête, je rencontrais avec surprise un regard miel. C'était le même regard qui m'avait foudroyé ce matin même, celui de Monsieur Elias.

J'étais complètement étendue sur lui, les pans de ma robe traînant par terre. Enveloppée dans son étreinte, j'avais du mal à respirer. Je tentais une nouvelle fois de me relever et cette fois il me laissa faire.

- Mademoiselle Odiana !

Je sentis les mains de Monie me prendre par le bras pour m'aider à me redresser.

- Que s'est-il passé ? Balbutiais-je.

Je ne pouvais détourner mon regard de Monsieur Elias. Se relevant à son tour, il épousseta ses vêtements avec une colère non dissimulée.

- Je voulais vous montrer Monsieur de l'autre côté de la rue, raconta Monie en frottant mes vêtements boueux, mais vous vous êtes précipitée sur cette enfant pour la dégager de la route. Et lorsque nous avons vu que vous étiez figée, Monsieur vous a à son tour sauvé la vie. Tout s'est passé si vite.

Monsieur Elias rencontra enfin mon regard. Il était beaucoup plus grand que moi donc il me fallait tordre le cou pour le soutenir.

- Je... Je vous remercie, dis-je lorsque je me rendis compte que nous nous dévisagions en pleine rue.

- Qu'est-ce qu'il vous a pris ? S'exclama-t-il tout d'un coup en perdant toute retenue.

Il s'était rapproché à la vitesse de la lumière en agrippant mes épaules. Penché ainsi au-dessus de moi pour que nous deux visages soient à la même hauteur, je ne m'étais jamais sentie aussi intimidée.

- Je...

La phrase mourut dans ma bouche. Comment lui expliquer la raison qui m'avait poussé à sauver une enfant inconnue quand je n'arrivais même pas à y penser ?

- Vous avez souhaité mourir, c'est ça ?

Ses paroles furent pour moi encore plus violentes que l'aurait été l'impact avec la calèche. Prenant ma réaction pour une réponse suffisante, il lâcha mes épaules avec dédain et s'éloigna le plus possible de moi.

- Monie, ramenez Mademoiselle à la maison. Je pense qu'elle s'est assez donnée en spectacle pour aujourd'hui.

La jeune fille se courba légèrement avant de me prendre par les mains et de me guider jusqu'à notre fiacre. Encore abasourdie, je la laissais faire sans rien dire. Une fois installée sur la banquette intérieure, Monie fit mine de sortir mais j'agrippais sa manche.

- Ne me laisse pas seule, l'implorais-je.

Si elle fut étonnée, elle ne le montra pas. Au contraire, son expression se fit plus bienveillante.

- Bien sûr Mademoiselle.

Elle s'installa à côté de moi, l'air un peu inconfortable. Quelqu'un vint fermer notre porte et la calèche se mit en marche.

- Vous allez bien Mademoiselle ?

Je ne répondis pas immédiatement. Mon cœur battait avec entrain dans mes tympans et j'avais encore du mal à réaliser que j'étais passée très proche de la mort quelques minutes plus tôt.

La Nouvelle Vie d'OdianaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant