Partie II : Le chantage (section 6)

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Je restais un long moment à fixer le tableau de Jonas. Qui avait pu assassiner un enfant aussi jeune et pour quelle raison ? Plus urgent encore, Monsieur Elias venait-il de me menacer ?

Durant un cours instant, nous avions presque ris mais son attitude avait changé du tout au tout. Il était bien le fils de sa mère à être aussi imprévisible qu'elle.

Je soupirais et me détournais du portrait. Lançant un regard par la fenêtre, je découvris avec surprise qu'elle donnait vue directement sur la Serre Royale. Si Monsieur Elias y avait jeté un regard un peu plus tôt, il aurait pu m'observer chanter sans que je ne le sache. L'avait-il fait ?

Avant qu'une migraine ne joue du tambour dans les coins de ma tête, je rebroussais chemin pour retourner dans ma chambre. Heureusement, je retrouvais enfin la bonne voie. En passant devant la porte des appartements de ma tante, j'hésitais à la déranger. Même si elle n'était pas la personne la plus loquace, j'avais besoin d'entendre une voix qui ne cherchait pas à me menacer. Cependant, j'avais également peur qu'elle cherche de nouveau à savoir ce qu'il s'était dit entre Ma Dame et moi. Je ne pouvais risquer un second interrogatoire.

Retournant donc dans ma chambre, je découvris avec déception qu'elle était vide. Monie devait s'occuper des préparations du bal, je ne devrais pas la déranger non plus.

Je m'allongeais sur le lit. Il n'y avait pas à dire, plus les jours passaient et plus je détestais ma vie dans cette demeure. Mise à part l'attitude hostile de ses hôtes, je n'avais rien de particulier à y faire. Avant, quand j'habitais chez ma tante à Hauderive, j'étais toujours occupée. Parfois j' étudiais sous les instructions de celle-là, je prenais le thé avec certaines de ses connaissances ou j'entretenais le jardin. Cependant, la plupart du temps, je passais du temps avec elle.

Je refoulais immédiatement sa mémoire. Apprendre le sort du grand frère de Monsieur Elias avait fissuré la boîte dans laquelle je renfermais tous mes souvenirs. Je ne voulais pas penser à son sourire joyeux quand elle me voyait, à ses yeux brillants quand nous nous promenions ou encore à son rire communicatif, digne d'une enfant si jeune. Surtout, je ne voulais pas me rappeler que plus jamais je ne serais témoin de tout cela, ni de la culpabilité qui en découlait.

Je posais la main sur mon cœur. Il commençait à s'emballer, comme lorsque je m'apprêtais à avoir une attaque d'hystérie.

- Odiana, je vous ai enfin trouvée ! S'exclama Monie en s'inclinant sur le pas de la porte.

Je me tournais vers elle avec soulagement et lui fis signe d'entrer.

- Je vous cherchais dans le jardin, continua-t-elle en s'avançant, mais je n'y ai croisé que Monsieur Elias. Il a eu l'amabilité de m'avertir que vous étiez déjà rentrées. Êtes-vous fiévreuse ?

Je sortis du lit pour me relever. J'avais terriblement chaud mais cela était sûrement dû à la température estivale.

- Non, je vais bien. Je me reposais juste un peu. Monsieur Elias a-t-il dit autre chose ?

Monie, qui était chargée de plusieurs robes, les posa sur la chaise du bureau.

- Non, il n'a rien dit d'autre. Vous vous attendiez à quelque chose en particulier ?

Je secouais la tête. Monie ouvrit la grande armoire à côté de la fenêtre et entreprit d'y pendre les robes. Elles étaient toutes enveloppées dans un tissu noir donc je ne pouvais les détailler mais s'il s'agissait du travail de Dame Colette, j'étais sûre qu'elles étaient magnifiques.

- Pourquoi me cherchais-tu ? Repris-je quand elle eut fini.

- Ma Dame souhaite encore dîner avec votre tante et vous. Elle aimerait en faire un rendez-vous hebdomadaire tant que vous habiterez chez elle.

La Nouvelle Vie d'OdianaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant