Partie II : Le chantage (section 2)

31 6 0
                                    

La fumée était trop dense pour que je puisse voir ce qui se passait devant moi. J'entendais juste un cri :

- "Odiana ! Odiana !"

Il y eut un craquement, quelque chose de lourd tomba et le cri s'étouffa dans les cendres.


Je me réveillais en sursaut. De la sueur collait mon front et mon corps entier était serré dans quelque chose de terriblement inconfortable. Il me fallut quelques secondes pour réaliser qu'il s'agissait de mon corset de la veille. Je me levais et me courbais pour essayer de le défiler moi-même mais je n'étais pas assez agile. Heureusement, Monie apparut devant moi. Elle venait de la salle d'eau annexe à la chambre.

- Je me disais bien avoir entendu un bruit. La nuit fut-elle bonne ?

Sans que je lui demande, elle entreprit de défaire les lacets dans mon dos. Quand elle eut fini, j'eus un soupir de soulagement.

- Oui merci, mentis-je.

Je n'avais pas bien dormi depuis ce qui me semblait une éternité. Les cauchemars me hantaient. Un en particulier, qui tournait en boucle toute la nuit. Il avait beau être court, il suffisait à maintenir mon état de détresse.

- Je vous ai fait préparer un bain. Je me suis dit que vous en auriez grandement besoin après votre journée de la veille.

Elle ne fit pas mention de ce qui s'était passé le soir. Le docteur que ma tante m'avait forcé  des années plus tôt m'avait diagnostiqué des crises d'hystérie, survenant généralement quand la situation sortait de mon contrôle. Au fil du temps, elles avaient fini par se faire rare, avant de revenir plus puissantes encore au même moment où j'avais arrêté de sourire. Pour m'en défaire, le docteur m'avait conseillé d'utiliser quelque chose, un ancrage externe, afin de me ramener vers la réalité. Monie avait rempli son rôle à la perfection.

- Tu es trop prévenante, lui dis-je.

Elle eut un petit rire, un peu gêné, ce qui la rendit encore plus mignonne.

- Je suis là pour cela.

Elle me guida jusqu'à la salle de bain. Pour une fois, il s'agissait d'une petite pièce, sans fenêtre et illuminée à l'aide de lanternes. En son centre, se trouvait une grande bassine d'eau chaude depuis laquelle de la buée s'élevait. Monie testa l'eau du bout du doigt avant de hocher la tête.

- Je vous laisse profiter de votre bain. Sonnez cette cloche quand vous souhaiterez en sortir.

Elle me montra une sonnette accrochée au-dessus de la baignoire et depuis laquelle une ficelle pendait.

- Merci Monie.

Elle fit une révérence et prit congé.Je me retrouvais seule et nue dans la pièce. Enjambant la bassine, je m'allongeais dedans avec un soupir de plaisir. Cela faisait longtemps que je n'avais pas pu prendre de bain. J'avais un mois pour en profiter. Après cela, ma tante et moi serons chassées de chez Ma Dame et de tout le Royaume. Un frisson d'horreur parcourut mon échine. Avant notre discussion, je n'aurais jamais cru Ma Dame capable d'une telle cruauté. Maintenant, je comprenais mieux l'avertissement de ma tante. Cette femme cachait un côté très sombre dont je regrettais avoir été témoin. Tout cela pourquoi ? Pour que j'épouse son fils ?

J'avais compris que Ma Dame souhaitait à tout prix que son fils se marie mais pourquoi me choisir moi ? Même si ma tante était issue d'une famille d'aristocrates, ce n'était pas mon cas. J'étais une roturière pour ces gens-là. Ma Dame devait être désespérée de marier son fils si elle n'attendait même pas qu'il trouve une femme à son goût par lui-même. Qu'avait-il de si urgent ?

Je méditais ces questions en silence, essayant de me rappeler d'un détail qui pourrait me guider sur la voie. Rien ne me vint à par le regard en colère de Monsieur Elias.

Le séduire. Qu'il tolère ma présence serait déjà un miracle, alors le faire me demander en mariage était ridicule. D'autant plus que je n'étais pas du tout en l'état de faire la cour à quelqu'un. J'étais trop brisée pour cela.

Il me faudrait de l'aide. Levant la tête, je tendis le bras pour attraper la ficelle et sonner la cloche. Je n'étais plus d'humeur à me détendre. Je devais parler à Monie. Elle était la seule à pouvoir me donner des informations sur Monsieur Elias, et si je maniais bien mes mots, peut-être même sur Ma Dame. C'était un risque que j'étais prête à prendre. Il fallait que je sache dans quoi je venais de mettre les pieds.

La porte s'ouvrit.

- Ma tante ! M'exclamais-je en découvrant la grande femme devant la porte, suivie de Monie.

Elle entra d'un pas déterminé et,sans se retourner, lança :

- Laisse-nous un instant. Je dois parler à ma nièce seule à seule.

Monie obéit en une révérence que je fus la seule à voir. Une fois la porte fermée, ma tante s'approcha de la bassine. J'aurais pu jurer que la température de mon bain avait baissé de quelques degrés.

- Maintenant Odiana, dis-moi de quoi vous avez parlé avec Ma Dame ?  

La Nouvelle Vie d'OdianaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant