Partie IV : Inaya (section 4)

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Entendre de tels mots sortir de la bouche de Monie fut plus choquant que leur signification.

- N'en parlons plus, déclara Monie. Allons vous préparer.

Je la suivis dans la chambre sans rien ajouter mais je ne pouvais m'empêcher de réfléchir à ce que je venais de voir. Si cet homme sortait réellement de la chambre de Ma Dame aux aurores et que cela ne semblait même pas étonner Monie, cela voulait-il dire qu'il était l'amant de Ma Dame ? Si c'est le cas, pourquoi en parler serait dangereux ? Ma Dame n'était pas mariée, cela nuirait à peine à sa réputation. A moins que lui le soit. Dans ces casèlà, qui était-il pour que parler de son infidélité soit aussi dangereux ?

Monie m'aida à enfiler la robe jaune et orange que Colette m'avait confectionnée. De mes cheveux, elle passa simplement un petit ruban pour nouer quelques mèches derrière ma tête en laissant le reste de ma chevelure tomber dans mon dos. Il était rare pour une femme de garder ses cheveux détachés mais depuis que j'avais vu Ma Dame porter un pantalon, j'osais à mon tour faire ce que je voulais de mon corps. Monie fit la conversation, essayant sûrement de détourner mon attention de ce dont j'avais été témoin, jusqu'à ce que je sois prête Néanmoins, alors que nous quittions la chambre pour retrouver ma tante dans la bibliothèque, mes pensées retournèrent à Ma Dame et son mystérieux inconnu.

Pourtant, sa vie sentimentale ne m'intéressait pas. Au contraire, elle s'enquérait tellement de la mienne que je ne souhaitais plus l'entendre une seule fois parler d'un autre homme. En effet, tous les soirs après le souper elle me prenait à partie, à la plus grande frustration de ma tante. Ensuite, elle me cuisinait pendant de longues minutes sur ce que j'attendais d'un mariage, quelle place je pensais y avoir et d'autres questions auxquelles je n'avais jamais vraiment réfléchi. Forcément, il ne fallait pas être un génie pour comprendre qu'elle me préparait à la vie avec son fils. Embarquée dans cette mascarade, je ne pouvais que faire semblant de lui répondre et d'écouter les conseils qu'elle me donnait en retour.

- Pensez-vous que votre tante vous tiendra occupée toute la journée ? Me demanda Monie, ramenant mon attention à elle.

Je lui lançais un regard entendu qu'elle comprit sans problème tant la réponse était évidente. Depuis le bal, la colère de ma tante ne s'était pas amenuisée. Elle était encore plus froide que d'habitude, me traitant comme une élève qu'on lui aurait imposée. De ce fait, elle passait plus de temps à me réprimander lorsque je me déconcertais plutôt que de me donner du travail passionnant. Nous étudions encore les liens entre la Haute Société et le Roi, au point que ce sujet m'épuisait à la moindre mention.

- Crois-moi, je préférerais passer la journée à travailler avec toi plutôt que dans cette bibliothèque.

Monie rit, ce qui attira l'attention de deux domestiques que nous croisâmes. Elles nous dévisagèrent longuement et je les entendis murmurer jusqu'au bout du couloir. Tous les employés de la maison agissaient ainsi depuis le bal. Avant, ils me servaient comme n'importe qui, à la fois distants et professionnels. Maintenant, ils jugeaient mes faits et gestes avec curiosité, comme si j'étais devenue beaucoup plus intéressante.

Monie, ne le remarquant pas, continua de s'esclaffer en m'ouvrant la porte de la bibliothèque.

- Faites attention à ce que vous désirez Odiana.

Je rigolais à mon tour avant de découvrir le visage sévère de ma tante, qui m'attendait à côté de la cheminée. Monie cessa immédiatement de rire pour s'incliner avant de prendre congé, me laissant seule avec mon bourreau. Cette dernière n'eut même pas besoin de me dire quoi faire, deux livres m'attendaient déjà sur la table.

La Nouvelle Vie d'OdianaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant