Partie I : Nouveau départ (section 7)

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Il me dépassa en trois enjambées pour s'installer à côté de sa mère, en face de ma tante.

- Ne t'inquiète pas, répondit Ma Dame, Odiana vient juste d'arriver également.

Monsieur Elias hocha la tête sans me lancer un regard. Pour ma part, je m'étais figée sans le vouloir en plein milieu de la salle à manger, à le regarder avec des yeux comme deux ronds flans. Tant pis pour mon envie de l'éviter, j'allais devoir faire avec.

Je m'inclinais devant Ma Dame, puis devant ma tante – et rapidement devant le dernier convive – avant de m'asseoir près de cette dernière, soulagée que le seul couvert vacant ne soit pas installé à côté de Monsieur Elias.

- Je vous ai préparé un service en trois temps pour ce soir, s'exclama Ma Dame, guillerette. Je ne voulais pas en faire trop non plus.

Nous en doutâmes tous en voyant qu'il fallait deux personnes pour apporter le premier plat et Edmund pour servir nos assiettes.

- Voici un pavé de corbille sur un lit de pommes de terre et d'orgeat, annonça ce dernier quand il eut fini.

Monsieur Elias n'attendit pas plus longtemps pour se jeter sur son assiette.

N'ayant pas grand appétit, je regardais plutôt du coin de l'œil ma tante. Elle avait l'air d'être en pleine forme. Pourtant, je savais que tout cela pouvait n'être qu'une illusion et ne me reposait pas dessus. J'allais lui demander comment s'était passé son après-midi lorsque Ma Dame me coupa :

- Alors Odiana, qu'as-tu pensé de ta visite chez Dame Colette ?

En me tournant vers elle, je croisais le regard de Monsieur Elias avant qu'il ne détourne rapidement la tête. Finalement, j'aurais peut-être préféré m'installer à côté de lui. Cela m'aurait permis de l'ignorer plus facilement dès que je levais la tête.

- C'était très... Bruyant, répondis-je en un sourire feint.

Ma Dame cacha son rire sous sa serviette.

- Tu as bien raison, Colette est la femme la plus énergique que je connaisse. Cependant, elle reste très douée dans son travail.

Je secouais vigoureusement la tête, craignant l'avoir offensée. Après tout, elle avait payé les frais de ma robe et je ne lui rendais qu'un commentaire sarcastique.

- Bien sûr ! Elle a même raccommodé cette robe en moins de temps qu'il n'en faut pour l'enfiler.

Ma Dame inclina la tête puis se pencha par-dessus la table.

- Je ne remarque pas la différence d'ici. Lève-toi que je te vois.

J'avalais difficilement le morceau de pomme de terre que je venais d'avaler. Je n'avais certainement pas envie d'être étudiée sous toutes les coutures par cette assistance, la réelle raison de mon inconfort ayant des yeux miel qui lançaient constamment des éclairs.

- Maintenant ?

- Évidemment.

Son ton était sans appel. Je me levais difficilement et contournais la table pour me tenir devant Ma Dame.

- Tourne-toi, ordonna-t-elle.

Je baissais les yeux en obéissant. Je n'osais pas les lever pour voir qui me jaugeait.

- Qu'est ce que c'est que cela ? Demanda soudainement ma tante en pointant du doigt ma robe.

Je regardais de plus près la zone qu'elle montrait avant de comprendre, effarée, qu'il s'agissait de boue séchée accrochée au tissu.

La Nouvelle Vie d'OdianaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant