La nuit

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L'eau chaude me fait le plus grand bien et me donne même un regain d'énergie. Je tire sur la serviette de Quentin qui est suspendue au mur et m'enroule dedans. J'entends du mouvement dans la chambre à côté. Il doit sûrement se préparer à aller se coucher, il est quand même 5h passé. Je lui demande de me prêter un tee-shirt ample pour que je puisse dormir dedans et être plus confortable. Il me le passe par la fente de la porte en aventurant uniquement sa main dans la salle de bain. Je garde mes sous-vêtements et l'enfile par dessus et j'ouvre la fenêtre pour désembuer la pièce. Je détache mes cheveux que j'avais relevés en chignon et les laisse tomber sur mon dos. Ma peau à nue creuse davantage mes cernes, ma bouche est encore rougie par l'eau chaude. Je sors de la salle de bain et trouve Quentin à droite de son lit. Il me le montre du bras.

«  Pas question que tu me laisses ton lit, je dormirai sur le canapé, enchaînais-je du tac au tac.

- Arrêtes un peu Thimy et dors ici, ça ne me dérange pas, soupira-t-il apparemment excédé que je le contredise souvent.

- Non cette fois je ne changerai pas d'avis, c'est déjà bien trop aimable de ta part de m'accueillir ici pour la nuit, continuais-je.

- Tu ne changes jamais d'avis, dit-il en plongeant ses yeux verts dans les miens.

- Arrêtes de me regarder comme ça, riais-je, tu me déstabilise.

- Ne me dis pas ça ou je risquerais de continuer, me taquina-t-il.

- Quentin, le stoppais-je immédiatement, tu sais comment ça se passe toujours.

- Cette fois ça pourrait être différent, affirma-t-il en s'avançant vers moi. »

Je ne sais pas quoi répondre alors je ne réponds pas. Je le contourne et passe par la porte que je referme derrière moi. Il n'insiste pas, et cela me frustre malgré moi. La réalité c'est que j'ai envie qu'il tienne à moi, qu'il m'embrasse comme l'autre soir sur le perron. Mais je suis bien trop maladroite pour oser lui avouer mes intentions. Lorsqu'il s'agit de mes vrais sentiments, de ceux de Lison, tout de suite la tâche est bien plus compliquée. Je soupire rien qu'en y pensant. J'enfile mon long manteau noir posé sur le canapé et ouvre la porte fenêtre qui donne sur le salon. Je sors sur la minuscule terrasse parisienne qui donne sur la rue déserte. J'approche le feu près de ma bouche et allume ma cigarette. Mes pieds en contacte avec le ciment froid me donnent la chair de poule. Mais j'aime être ici, avec lui. J'observe les feuilles des arbres danser sous la brise fraîche qui annonce le matin. La nuit noire joue avec la lumière jaunâtre des lampadaire et projettent des formes monstrueuses sur les murs. Tantôt j'y devine un visage, une fleur, ou la Tour Eiffel. J'ai toujours su que j'appartenais au monde de la nuit et non à celui du jour. Quand le soir arrive et que le soleil fait apparaître dans le ciel toutes les nuances de couleurs et que les rues se remplissent éphémèrement de pères de famille ou de mères célibataires débordées. Moi je ne suis pas comme eux, je suis libre à la tombée de la nuit. Je faufile ma silhouette légère entre tous ces corps affalés sous les responsabilités et je me sens bien, bien et invisible. Tous ces visages sont si préoccupés qu'il ne me remarquent pas, jamais. Mais moi je les vois et je me réjouis d'avoir choisi la nuit. J'expire ma dernière bouffée de nicotine de la soirée et je rentre. Cette évasion dans ma tête m'a permis de prendre une décision, et c'est exactement ce que je voulais. J'ouvre mon manteau et le pose sur le canapé. Je vais rejoindre Quentin.

Journal d'Arthémis, prostituée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant