Les sourires

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*photo du comptoir du Paon Noir*

Je m'approche en essayant de paraître la plus décontractée possible. S'il y a un espoir pour qu'il soit ici par hasard, je vais paraître indifférente. Je ne le regarderai pas une seule fois, comme si je ne le connaissais pas. Le tee-shirt de Quentin rentré dans ma jupe patineuse, je me poste devant leur table. Je ne reconnais pas la tête de ses trois autres collègues, j'en déduis qu'ils n'étaient pas à la maison. Ce qui m'arrange fortement.

« Bonsoir messieurs, commençais-je avec mon plus beau sourire, que prendrez-vous ce soir ?

- Quatre whiskys, me répond l'un d'eux avec un sourire exagéré. Je dois lui plaire.

- Parfait, je reviens dans uns minute, répondais-je avec un air le plus naturel possible. »

Je m'éloigne d'un pas pressé lorsque j'entends Karl prendre la parole. « Ne t'intéresse pas à elle Vlad, elle est serveuse ». Son ami répond « Ah je vois Karl, elle t'as déjà tapé dans l'oeil ». Il ne répond pas, ou du moins je ne perçois pas sa réponse. Je passe la commande auprès d'Alexis qui est débordé et je patiente au bar. Je ne suis pas à l'aise dans cette situation mais je ne peux que jouer la comédie le plus longtemps possible.

«  Alors ma mignonne, tu te sens pas trop seule en ce moment ?

- Non je vous remercie, répondis-je en souriant de toutes mes dents au vieux qui m'avait adressé la parole. »

Ses yeux étaient déjà petits et son haleine empestait l'alcool. Un débauché qui finissait sa soirée dans notre bar, ça arrivait souvent. J'avais pris l'habitude de choisir parmi mes sourires les plus hypocrites pour leur répondre afin de ne pas les contrarier. Il y avait souvent ce genre de spécimens accoudés au comptoir qui, sous l'effet de l'alcool, se sentait à la hauteur de nous draguer Gaëlle et moi. Gaëlle avait, en revanche, beaucoup moins de patience que moi à leur égard. Le gérant du bar nous faisait confiance pour les remballer toutes seules et il intervenait uniquement lors d'attouchements physiques, quand nous ne contrôlions plus la situation.

«  Allez tu veux bien que je te paye un verre, insista-t-il.

- Je suis navrée monsieur, je n'ai pas le droit de boire en service, dis-je le regard dans le vague.

- Mais ton patron n'en saura rien, dit-il en approchant son visage un peu trop près du mien à mon goût.

- Je suis obligée de refuser, répondis-je en commençant à perdre patience.

- Ou alors, on pourrait en boire un rien que tout les deux, chez moi.

Ses yeux me dévisageaient de haut en bas, me déshabillant au passage. Je sentis soudain une pression dans le creux de mes reins. Je me retourne et découvre la stature imposante de Karl posté à ma droite, sa main derrière moi. Il toisait l'homme d'un regard noir.

« La demoiselle vous a déjà dit qu'elle refusait ».

Son accent avait rendu sa voix plus dure qu'elle ne l'était déjà. L'homme quitta son siège en un temps record.

Journal d'Arthémis, prostituée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant