Aller à la mer en compagnie de Lou et Léontine me mettait dans une bonne humeur presque inespérée depuis que les vacances d'été avaient débuté. Mes deux amis étaient censés venir me chercher directement devant chez moi à quatorze heures trente. En attendant je me préparais minutieusement car, avec mon physique, les après-midis à la plage se révélaient presque être à la hauteur d'une épreuve de Koh-Lanta. Les statistiques avaient prouvé que cela me valait, lorsque je me tartinais de crème solaire indice 50 du bout des orteils jusqu'à la pointe de mes oreilles, à attraper un minimum de deux coups de soleil. Sachant que la médecine s'appliquait à raconter qu'un garçon blanc fantomatique comme moi ne devait pas recevoir plus d'un coup de soleil par été, j'avais vite fait le calcul que je risquais plus ma peau en allant à la plage qu'en testant le skate de Lou les yeux fermés. Pourtant, je n'ai pu échapper ni à l'un ni à l'autre.
En entendant la sonnette résonner dans l'appartement, j'ai vite enfilé mon maillot et mon t-shirt par-dessus la montagne de crème mélangée à la sueur qui me collait au corps. J'ai mis mes converses à mes pieds, une serviette et les galettes de riz dans mon sac et je suis sorti.
Dehors, j'ai surpris mes deux amis en plein débat.
- ... tu ne te rends pas compte à quel point c'est beau, c'est tout.
- Et toi, tu te laisses trop facilement manipuler par des mots sans queue ni tête qui te donnent juste l'illusion que c'est beau. Mais ce n'est que des foutaises.
- Des foutaises ? T'es sérieuse ? Je t'en enverrai un ce soir et tu me diras si c'est des foutaises. De l'Art moi je dis !
Commençant déjà à cramer sous le soleil de quatorze heures, j'ai lâché mon plus beau hum hum pour qu'ils me remarquent. Ça a marché, ils ont arrêté de parler et m'ont dévisagé.
- Ani ! se sont-ils tous les deux exclamés en cœur.
- Je suis prêt, ai-je souri pour toute réponse.
Ils m'ont fait un check puis nous nous sommes tous mis d'accord sur le fait qu'il fallait que nous nous mettions en route avant que nous ne nous transformions en marshmallows trop longtemps laissés sur la flamme.
- Alors, bien remis de votre soirée ? ai-je lancé pour animer la conversation d'un air taquin.
Ils se sont lancés un regard amusé.
- On avait le bac à fêter tu comprends, a bredouillé Lou.
- Et le début de l'été, a ajouté Léontine.
- Et puis nos retrouvailles !
Lou, qui marchait à côté de moi, a tendu son bras pour le passer derrière mes épaules et me tirer contre lui.
- C'est pas tous les jours qu'on a le privilège de revoir le grand savant Anatole Franklin.
J'ai ri, et son sourire m'a fait chaud au cœur.
- Il faudrait qu'on lui fasse passer une épreuve de bienvenue, a proposé Léontine.
L'idée a de suite plu à Lou, son visage s'est éclairé et son côté malicieux s'est exprimé sur ses lèvres.
- Anatole, es-tu prêt à vivre ton baptême du feu ?
J'ai soutenu son regard en cherchant où il voulait en venir. Il a alors brandi son immonde planche en bois qu'il ne quittait jamais bien haut. J'ai blêmi d'un coup, elle ne m'avait pas manqué celle-là.
Vous l'aurez compris, dix minutes plus tard je me tenais les deux pieds sur cette misérable création de Satan, les mains de Lou agrippées à mes épaules pour me faire prendre de la vitesse, en train de vivre mon premier baptême du feu. Un cauchemar grandeur nature. Comme un souvenir du bon vieux temps.
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La Métaphore du Caméléon
Teen FictionTOME 2 de La théorie de la converse. Quatre ans après sa brutale disparition, Anatole Franklin revient dans sa ville d'origine pour les vacances. Forcé de quitter l'internat et ses camarades de chambre vides d'intérêt, il retombe par hasard sur...