14. La prétérition

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        Je n'ai pas dormi de la nuit. Agité, je n'ai cessé de me retourner sur mon matelas. Quand j'ai ouvert les yeux, Lou était déjà levé. Je suis descendu, ai salué tout le monde, et quand j'ai vu les cernes et l'air pâle qu'il avait, j'ai su qu'il n'avait pas fermé l'œil de la nuit lui non plus. Ça m'a fait mal de nous voir comme ça alors qu'hier encore tout semblait si radieux.

Après le déjeuner, nous sommes montés au grenier faire nos valises. Le silence qui régnait pesait sur nos épaules. Mais je n'avais pas de mots pour lui, et il n'en avait sans doute pas pour moi.

Notre tension a dû se ressentir, Mamie Paul et Arthur n'ont fait aucune remarque embarrassante, Julie et Fred ont fait comme si tout allait bien.

Nous avons mis toutes nos valises dans la voiture, Mamie Paul est venue nous embrasser.

- N'hésite pas à secouer un peu mon petit-fils, m'a-t-elle glissé en me serrant contre elle. Parfois il est en peu lent à la détente. À bientôt Anatole.

- À plus, le galocheur, m'a salué à son tour Arthur.

Je n'ai pas pu me retenir de sourire.

Puis nous les avons laissés tous les deux et nous sommes montés dans la voiture.

Nous avons installé Sid entre nous, puis Fred a démarré. Lou m'a tendu son écouteur, Eminem s'est emballé, plus en colère que jamais. We touch I feel a rush, we clutch it isn't much, but its enough to make me wonder what's in store for us.

J'ai dormi presque durant les deux heures de trajet, et lorsque nous sommes arrivés devant chez les Doinel, je suis descendu de la voiture, peiné que tout ce finisse déjà.

Fred m'a serré la main jovialement, Julie est venue me prendre dans ses bras.

- N'hésite pas à passer nous voir ou à venir dîner un soir, d'accord ? m'a-t-elle dit avec un sourire bienveillant.

Je les ai remerciés et ils sont montés avec leurs valises jusqu'à leur appartement, me laissant seul avec Louison.

Ce dernier s'est approché de moi, tout tendu.

- Est-ce qu'on peut parler avant que tu partes ? m'a-t-il demandé. Je te dois des explications.

J'ai acquiescé.

Il est venu s'adosser à la carrosserie de la voiture, j'ai retenu pour la première fois mes converses de s'approcher trop près des siennes.

- Sami a perdu son père il y a trois mois, m'a alors confié Louison. Il va bien, mais j'ai peur pour lui, tu vois. Je n'étais pas au courant, il m'en a parlé au début de juillet. Et depuis je ne sais plus comment gérer ça. J'ai peur qu'en le quittant, il se sente encore plus mal. Il suffit d'un rien pour qu'il sombre à nouveau.

J'ai refoulé l'envie que j'ai eu de tout casser.

- J'ai pas envie de te perdre encore une fois, Ani. Tu comptes trop pour moi pour ça, mais je crois que Sami a besoin de moi.

Il n'avait pas le droit de me dire ça. Pas après la semaine que nous venions de vivre.

- J'aurais préféré que tu me dises que tu me détestes, ai-je lâché, la mâchoire serrée.

- Tu sais que je ne pourrais jamais penser ça.

J'ai haussé mes épaules. Qu'en savais-je, au fond ? Qui était-il, dans le fond ? Qu'avais-je de plus que Sami pour qu'il se désintéresse de lui pour moi ? Amère illusion dans laquelle je m'étais laissé glisser. Je ne pouvais arriver et effacer leur relation comme si de rien n'était. C'était moi, l'intrus, le parasite, l'Ani-mal.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant