10. Le chiasme

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« Alors, tes parents sont d'accord ? » m'a envoyé Louison par sms quelques jours après notre soirée à la plage.

- « Oui :) », lui ai-je répondu après plus de deux heures de silence radio.

Mon nez s'est aussitôt mis à pousser. J'allais finir arracheur de dents. Car la vérité était que je ne leur avais toujours rien demandé. Je n'osais pas parler à mes parents du voyage à la montagne que nous avions prévu, leur refus me terrifiait.

J'ai pourtant été obligé de leur avouer mes plans alors que nous étions la vielle de notre départ. Toutes mes affaires étaient prêtes, j'avais réglé avec Véro du supermarché les détails de ma semaine de congés et Agathe ne se tenait plus dans ses sms tellement elle était aussi excitée que moi à l'idée que je parte en vacances, avec Lou.

La boule au ventre, j'ai déclaré en brisant le silence qui régnait au souper à mes parents :

- Louison, un ami du collège, m'a invité à passer une semaine avec lui à la montagne.

Mon père n'a même pas détourné son regard de la télé.

- Et donc ? m'a demandé ma mère.

- J'aimerais pouvoir y aller.

Elle a haussé les épaules.

- Vois ça avec ton père.

J'ai dégluti.

- Papa ?

- Vous partiriez où ?

- Dans les Cévennes.

- C'est loin.

Sa concentration plus qu'excessive sur le journal de vingt heures, m'a agacé. J'ai sorti ma carte maîtresse.

- Oui, mais on sera avec ses parents, et il y aura même sa grand-mère.

Il a haussé ses épaules.

- Vois ça avec ta mère.

J'ai soupiré. Puis, la moutarde me montant au nez, j'ai englouti ma dernière bouchée de gratin, ai débarrassé mon assiette et me suis dirigé vers le couloir de ma chambre.

- Très bien, puisque vous ne semblez pas vous en soucier plus que ça, je vous annonce que je pars une semaine avec Lou. Il est trop tard maintenant pour me faire reculer.

- Hum, m'ont-ils répondu à l'unisson alors que les guignols venaient de faire leur entrée.

J'ai bien cru pendant un instant qu'ils ne m'avaient pas écouté du tout. Tant pis pour eux, le lendemain je partais, et rien ne pouvait me gâcher cette joie.

Nous avions rendez-vous dans la matinée du samedi chez les Doinel pour mettre en place les derniers préparatifs avant notre départ. J'ai pris ma valise, Sid, et mon sac à dos et je suis allé à pied les rejoindre. Louison est venu m'ouvrir. Il ne portait qu'un court short mais j'ai fait comme si tout était normal. Sa mère est venue m'accueillir, je lui ai fait trois bises dans les règles de l'art.

- Bonjour Madame Doinel, l'ai-je salué, heureux comme un lutin le jour de Noël.

- Tu peux m'appeler Julie, on va quand même passer une semaine ensemble.

- D'accord.

J'ai retiré mes converses et j'ai balayé le salon du regard.

- Vous n'avez plus Hamtaro ? ai-je demandé, qu'à moitié surpris.

- Qui ? m'ont demandé Lou et sa mère en même temps.

J'ai porté une main à mon cœur brisé en tentant de faire une petite seconde de silence pour ce pauvre hamster disparu.

La Métaphore du CaméléonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant